Un nouveau paradigme pour l’aide internationale : comment les prestataires de services financiers s’adaptent-ils aux coupes budgétaires ?
Le paysage mondial de l’aide internationale connaît aujourd’hui une profonde transformation. Avec une réduction de 7,4 % en 2024 et des coupes encore plus marquées attendues en 2025, de nombreux secteurs du développement sont mis sous tension — mais peu autant que celui de l’inclusion financière.
Une nouvelle enquête de terrain, menée par la Fondation Grameen Crédit Agricole en partenariat avec CERISE+SPTF et le Financial Inclusion Equity Council (FIEC), apporte un éclairage inédit sur les répercussions de ces réductions d’aide. Fondée sur les réponses de 86 organisations opérant dans 58 pays, l’étude met en évidence à la fois les conséquences immédiates pour Financial Service Providers (FSPs) et les impacts plus larges pour les populations vulnérables qu’ils accompagnent.
Bien que le secteur de la finance inclusive ait été conçu pour être autosuffisant, les données montrent que 58 % des FSPs dépendent encore — directement ou indirectement — de programmes ou de financements soutenus par l’aide internationale. Ces résultats marquent un tournant pour le secteur, qui appelle désormais à une adaptation stratégique et à un renforcement de la coopération entre acteurs.
Les coupes budgétaires frappent plus durement les institutions rurales et de petite taille
Selon l’enquête, 60 % des FSPs déclarent être directement touchés par les réductions d’aide. Les domaines les plus affectés concernent les partenariats (70 %), les ressources financières (53 %) et la qualité du portefeuille clients (57 %). Les institutions de petite taille (FSPs de niveau 3) et celles opérant dans des pays fragiles sont les plus vulnérables, tout comme les acteurs engagés dans la finance agricole et rurale — un segment fortement tributaire des garanties et programmes soutenus par les bailleurs de fonds. Fait préoccupant, 67 % des répondants s’attendent à une détérioration de la situation en 2025–2026.
Les clients les plus vulnérables en subissent les conséquences
L’enquête souligne que les clients vulnérables sont les premiers touchés par ces perturbations. L’accès au financement agricole, à la finance verte et climatique, ainsi qu’aux services destinés aux populations les plus pauvres figure parmi les domaines les plus menacés. Près de la moitié des FSPs (49 %) financent des activités d’agriculture et d’élevage, des secteurs essentiels aux économies rurales mais encore très dépendants des programmes d’aide. Les effets en cascade sur la sécurité alimentaire, l’inclusion de genre et la résilience communautaire pourraient être considérables.
Virages stratégiques et test de résilience
Malgré un environnement difficile, l’enquête dresse le portrait d’un secteur d’une résilience remarquable. 57 % des répondants estiment que la finance inclusive demeure globalement solide. 44 % des FSPs ont déjà adapté leurs stratégies, mettant davantage l’accent sur la qualité du portefeuille, les alliances stratégiques et la protection des clients.
Les résultats révèlent également une évolution des mentalités : 43 % des institutions se concentrent désormais davantage sur la durabilité, les partenariats locaux et l’innovation. Toutefois, les répondants soulignent que si les investisseurs à impact apparaissent comme des acteurs clés pour combler le déficit de financement, leurs attentes pourraient ne pas toujours correspondre à la réalité du marché.
Un appel à renforcer la coopération et l’innovation
L’étude se conclut par un appel à l’action à l’ensemble des parties prenantes pour :
1️⃣ Renforcer la coopération locale entre acteurs publics et privés ;
2️⃣ Promouvoir des mécanismes de finance mixte (blended finance) pour optimiser les ressources publiques et privées ;
3️⃣ Développer des synergies entre FSPs grâce à la mutualisation des moyens et des réseaux ;
4️⃣ Donner la priorité à la protection des clients via la conception de produits innovants et inclusifs ;
5️⃣ Investir dans la mesure d’impact afin d’améliorer la redevabilité et d’attirer davantage d’investisseurs privés.
Comme l’a résumé un répondant — directeur financier d’une banque en République dominicaine :
« Le secteur de la finance inclusive est comme un rocher au milieu de la tempête mondiale. Malgré les coupes dans l’aide et les tensions géopolitiques, il demeure incroyablement solide, car il se concentre sur l’essentiel : les besoins financiers des personnes dans leurs communautés. »
Cette nouvelle réalité appelle à plus d’innovation, de coopération et de résilience collective. Les conclusions de l’étude confirment que la finance inclusive, profondément ancrée dans les économies locales et les besoins humains, demeure l’un des secteurs les plus résilients et porteurs de sens dans le contexte mouvant de l’aide internationale.


