19 avril 2021

Soutenue par la Fondation Grameen Crédit Agricole, CA Franche Comté et Amundi, Kossam SDE est une filiale de la Laiterie du Berger qui vise à structurer et renforcer la filière laitière au Sénégal. En février 2020, Kossam SDE lance avec succès la dématérialisation de la « paie » auprès de plus de 850 éleveurs, contribuant ainsi à l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail. Coup de projecteur sur l’interview pour Portail FinDev de Jonathan Michaud (ancien Banquier Solidaire [1] de CA Franche Comté) Directeur depuis 3 ans de Kossam SDE), et Mamadou Fall, son Directeur adjoint, qui reviennent sur cette transformation.

1. Comment se déroulait une journée de paie typique avant la transition vers la paie digitale?

Jonathan Michaud & Mamadou Fall : Jusqu’en février 2020, tous les éleveurs étaient payés en espèces lors d’une ou deux journées de paie bien définies. Les éleveurs se déplaçaient jusqu’à l’usine à Richard Toll pour récupérer l’argent qui leur était dû. Premièrement, la paie en espèce était contraignante pour les éleveurs. En effet, ces derniers devaient arriver tôt le matin et attendre parfois toute la journée sous de fortes températures. De plus, les éleveurs étaient obligés de se déplacer jusqu’à Richard Toll un jour bien précis pour être payés, sans pouvoir le faire coïncider avec leurs autres déplacements. C’était également laborieux pour Kossam SDE, puisque les équipes devaient manipuler pendant deux jours de l’argent liquide avec une certaine pression liée au temps d’attente des éleveurs, ce qui peut engendrer des erreurs.

En novembre 2019, l’équipe de Kossam SDE a pris la décision de digitaliser et la première paie digitale a eu lieu en février 2020.

2. Quels sont les bénéfices concrets de la digitalisation pour les éleveurs ?

JM & MF : Nous avons identifié 5 bénéfices pour les éleveurs :

  • Le gain de temps. Aujourd’hui, un éleveur n’a plus besoin d’attendre des heures pour recevoir sa paie.
  • La sécurité. Tout le monde savait quel jour les éleveurs recevaient leur paie, ce qui pouvait créer potentiellement un contexte d’insécurité avec des risques de vol.
  • La flexibilité. Maintenant, tous les éleveurs reçoivent leur argent à la même date mais vont le chercher quand ils le souhaitent.
  • Le coût. La majorité des éleveurs n’habitent pas à Richard Toll et s’y rendre a un coût. Ils peuvent maintenant optimiser le coût de leur trajet en décidant quel jour ils vont retirer leur argent.
  • La traçabilité. Chaque éleveur est identifié dans notre base de données avec son numéro de téléphone et sa carte d’identité. On a donc la certitude que c’est bien l’éleveur qui reçoit son argent puisqu’on sait sur quel numéro de téléphone on envoie les fonds.

3. Quelle solution avez-vous mis en place avec Wizall Money pour payer les éleveurs ?

JM & MF : La très grande majorité de nos éleveurs ne sont pas équipés de smartphone. Ils disposent d’un téléphone de base qui peut seulement recevoir et émettre des appels et des SMS. Nous avons donc opté pour un code envoyé directement sur le téléphone des éleveurs. Munis de ce code et de leur pièce d’identité, les éleveurs se rendent dans le kiosque Wizall Money de leur choix pour retirer leur argent. Les frais liés à ce service sont à la charge des bénéficiaires (éleveurs).

La mise en place de cette solution a clairement enlevé un nombre considérable de contraintes aux éleveurs, notamment de temps et d’organisation. En outre, nous craignions que les éleveurs ne soient réticents à l’idée de payer pour recevoir leur argent. Hors la question du coût n’a pas été abordée. Au contraire, ça leur coûte beaucoup moins cher que de payer les transports pour se rendre à Richard Toll un jour spécifique dans le mois. Nous n’avons eu aucune réclamation dans ce sens.

4. Plus d’un an après la mise en place de la digitalisation, où en êtes-vous ? Quelle est la prochaine étape ?

JM & MF : La digitalisation de la paie a été mise en place juste avant l’arrivée de la Covid-19 au Sénégal en mars 2020, où des mesures drastiques ont été rapidement prises : couvre-feu, rassemblements interdits etc. Sans digitalisation, les éleveurs n’auraient pas pu se déplacer et n’auraient pas pu être payés. Aujourd’hui, nous passons à la deuxième et dernière étape de transformation de la paie. En effet, il y a 2 inconvénients aux codes SMS que nos éleveurs reçoivent sur leurs téléphones : il faut avoir un téléphone à soi, ce qui n’est pas le cas de tous nos éleveurs, ainsi que du réseau. Le principal problème rencontré, c’est que certaines personnes ne recevaient jamais le code, donc nous devions continuer à les payer en espèces.

Pour faire face à cette situation, nous avons fourni à tous nos éleveurs une carte NFC individuelle. La paie sera envoyée sur cette carte dans un porte-monnaie électronique. Les éleveurs pourront ensuite se rendre dans un kiosque Wizall Money, donner leur carte, taper leur code confidentiel et retirer tout leur argent ou seulement une partie. Il n’y a donc plus de contraintes de réseau et plus d’obligation de retirer toute la somme versée. C’est une grande nouveauté qui nous permet de rentrer dans de nouveaux usages et services qui sont une forme de micro-épargne et d’épargne passive.

Nous allons dorénavant travailler sur différents sujets que la digitalisation nous permet d’aborder avec plus d’efficacité et de sérénité : accès aux assurances santé, développement de l’épargne et de l’éducation financière.

Interview complète sur FinDev
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[1] La Fondation Grameen Crédit Agricole et Crédit Agricole Franche Comté, actionnaires de la Laiterie du Berger, ont soutenu la création de Kossam SDE dans le cadre d’une mission d’assistance technique Banquiers Solidaires, un programme de volontariat de compétences du groupe Crédit Agricole. Un ingénieur agronome de la Caisse régionale qui a mené en 2018 la mission, est parti pour 3 ans coordonner le lancement de Kossam SDE. Il s’agit de Jonathan Michaud, aujourd’hui Directeur général de Kossam SDE.