13 janvier 2021

Hélène Keraudren Baube & Edouard Sers, Fondation Grameen Crédit Agricole

Pour surmonter les effets de cette crise sanitaire et économique sans précédent, la Fondation a dû innover, s’adapter et se concerter avec d’autres acteurs clés des secteurs de la finance inclusive et de l’entrepreneuriat à impact social. Un travail transversal qui implique l’ensemble des équipes de la Fondation. Pour en savoir plus, coup de projecteur sur les témoignages de deux experts de la Fondation, Hélène Keraudren-Baube, Directrice Administrative et Financière, et Edouard Sers, Directeur Risques, Conformité et Performance Sociale.

1.Comment la crise Covid-19 a impacté l’organisation interne de la Fondation et des organisations soutenues ?

Hélène : Nous avons eu recours au télétravail du jour au lendemain, mais comme c’était déjà une modalité possible à la Fondation la transition a été très fluide. En plus de fournir les équipements pour le télétravail, nous avons également adapté les horaires pour prendre en compte le contexte de confinement avec enfants à la maison. Nous avons vécu une année très particulière, avec aucune mission terrain pour l’équipe basée en France depuis février alors que les Chargés d’investissement partent tous en mission terrain plusieurs fois par an. Le Comité de Direction de la Fondation a fait des points réguliers pour faire le suivi de la situation et déterminer les meilleures mesures pour appuyer les équipes et les organisations financées. Par ailleurs, nous avons échangé d’une façon plus régulière avec notre gouvernance pour les tenir informés de l’évolution de la situation et de l’activité.

2. Quelles réponses a donné la Fondation pour y faire face ?

Edouard : La première réponse de la Fondation a été d’établir un dialogue rapide et permanent avec les organisations soutenues pour comprendre les effets de la crise, les mesures prises et leurs besoins. Les équipes de chargés d’investissement sont restées en contact très rapproché avec l’ensemble des organisations que nous soutenons, et nous avons mené des enquêtes régulières auprès de celles-ci pour comprendre les impacts de la crise dans les différents pays d’intervention. De plus, nous avons créé l’Observatoire Covid-19 dans lequel nous avons régulièrement publié des articles afin de partager nos analyses et d’informer les parties prenantes de l’évolution de la situation. En parallèle, nous avons animé une coordination internationale de prêteurs et d’acteurs de la finance inclusive pour agir ensemble, en concertation, afin de protéger les institutions de microfinance et leurs clients et prévenir tout choc de liquidité qui aurait déstabilisé le secteur.

Hélène : Nous avons adapté nos outils de suivi et d’analyse et nos demandes d’information s’agissant notamment des plans de continuation d’activité et des plans de trésorerie à court terme. Sur le plan financier, nous avons octroyé des reports d’échéance à une trentaine d’organisations partenaires de la Fondation, principalement des institutions de microfinance. Ces reports, de 6 à 12 mois selon les cas, ont été matérialisés par des avenants aux contrats de prêts, et des échéanciers revus. Ce volume de demandes de reports est totalement inédit et a ‘stressé’ nos liquidités. Nous avons affiné nos outils de projections et de suivi pour suivre l’impact financier pour la Fondation.

3. Concernant la coalition internationale, quels sont les premiers résultats ?

Edouard : Six mois après la signature de l’Engagement, avec l’ensemble des signataires nous avons rédigé une publication commune présentant l’état de mise en œuvre de 10 principes de l’Engagement. Parmi les conclusions de la publication, nous pouvons souligner la solide coordination entre les bailleurs internationaux pour s’accorder en termes de report d’échéances, évitant une crise de liquidité dans le secteur de la microfinance. Nous avons également avancé dans le domaine de l’assistance technique avec notamment des webinaires et des enquêtes de terrain conjoints auprès des clients finaux. Enfin, nous avons encouragé la collecte coordonnée d’informations sur la gestion du personnel et le suivi des clients des institutions de microfinance et promouvons les initiatives pour renforcer la protection des clients et du personnel. En 2021, nous poursuivrons nos efforts pour accompagner la reprise progressive des institutions de microfinance soutenues avec de l’assistance technique, des financements adaptés et des échanges réguliers entre les différents acteurs du secteur.

4. Par rapport aux bailleurs de fonds de la Fondation, quelles actions communes ont été prises ?

Hélène : nous avons très rapidement tenu nos bailleurs de fonds informés de l’évolution de la situation, avec des présentations détaillées. Nous avons compris dès le début de la crise que le principal impact pour nous en 2020 serait sur la gestion de nos liquidités. Les demandes de reports d’échéance de nos partenaires pèsent sur la trésorerie de la Fondation, et nous avons souhaité préserver notre capacité à soutenir nos partenaires et éviter à tout prix une crise des liquidités. Pour cela nous avons sollicité des reports d’échéances auprès de nos bailleurs, et envisagé de nouvelles lignes de financement « spéciales Covid-19 » pour soutenir la reprise de l’activité des institutions de microfinance que nous appuyons.

5. Pour finir, quelles sont les perspectives pour 2021 ? Quelles seront les priorités de la Fondation ?

Hélène : Après une année 2020 marquée par un résultat opérationnel soutenu par la croissance du portefeuille les années précédentes et des économies substantielles en 2020 notamment sur les frais de déplacement, l’année 2021 sera impactée de plein fouet par la contraction du portefeuille de prêts de la Fondation des suites de la crise. L’activité de la Fondation devrait poursuivre sa progressive et prudente reprise entamée ces derniers mois, nous pensons que le premier semestre sera encore fortement contraint par la pandémie et ses conséquences, et espérons pouvoir reprendre nos déplacements sur le terrain, au plus près de nos partenaires, à partir du second semestre. Il faudra sans doute encore une année pour que la Fondation renoue avec le niveau d’activité qui était le sien avant la crise.

Edouard : Une grande partie des organisations soutenues ont su faire face à la crise et sont éligibles aux financements que propose la Fondation selon des critères de risque standards. En revanche, une partie non négligeable d’entre elles porte encore dans leur bilan un risque important hérité de l’année 2020. Il est crucial que nous continuons à renforcer notre dispositif d’accompagnement pour proposer des solutions adaptées aux différents niveaux de risque, combinant nouveau financement, assistance technique, report d’échéance ou –de plus façon exceptionnelle– restructuration de la dette.

Au niveau du secteur, les prêteurs ont su se coordonner en 2020 afin d’éviter une crise de liquidité et nous continuerons sur cette voie en 2021. Cette année sera également cruciale pour les investisseurs afin qu’ils soutiennent les institutions de microfinance conformément à leur responsabilité d’actionnaire. Enfin, nous continuerons à promouvoir les initiatives pour protéger la clientèle et le personnel des institutions de microfinance en ces temps de crise. Par exemple, nous participons de façon active au groupe de travail de la Social Performance Task Force (SPTF) pour définir des nouveaux critères de certification relatifs à la protection de la clientèle du secteur. Un dialogue permanent avec nos partenaires et des actions coordonnées seront parmi les clés du succès de nos engagements.