17 septembre 2019

Par Céline Hyon-Naudin, Fondation Grameen Crédit Agricole

© Didier Gentilhomme

La microfinance est l’ensemble des services et produits financiers accessibles aux personnes exclues du système bancaire classique. Aujourd’hui, le secteur de la microfinance compte 139 millions de bénéficiaires pour un encours total de prêts estimé à 114 milliards de dollars (1). Au-delà de l’objectif de favoriser l’inclusion financière, la microfinance s’adapte et innove constamment pour être un levier de développement économique via l’entrepreneuriat.

Ce financement de l’entrepreneuriat est un point commun clé entre la microfinance et la banque de détail. Tout comme la microfinance, la banque de détail offre de solutions financières pour promouvoir des activités génératrices de revenus. Dans le Livret des 10 ans de la Fondation publié l’année dernière, nous avons comparé les chiffres des institutions soutenues par la Fondation et d’une banque régionale « moyenne » (2) de petite taille et avons identifié plusieurs analogies. Cet article est un coup de projecteur des enjeux communs identifiés.

Quelques éléments de comparaison

Banques de détail et institutions de microfinance (IMF) partagent certains objectifs et modes opératoires. Par exemple, l’organisation commerciale d’une IMF est semblable à celle d’un réseau bancaire classique avec un chargé de clientèle qui suit un portefeuille. Toutes deux s’exercent au cœur des territoires, à proximité de leurs clients. La microfinance a évolué pour diversifier son offre financière, se rapprochant de celle d’une banque de détail : prêt, épargne, transferts d’argent, assurance, paiement mobile, placements, reflétant la variété des besoins des clients et des entreprises.

Par ailleurs, les IMF et les banques de détail exercent leur métier en cherchant à maîtriser leurs coûts et leur risque, tout en visant à générer un résultat économique positif et résilient, capable d’assurer la pérennité de leur mission.

Pour autant, la structure des revenus et des coûts diffère grandement entre les deux modèles. Le coût d’exploitation (par exemple les charges liées aux déplacements des agents de crédit, qui ont au minimum entre 250 à 300 clients) est élevé chez une IMF : il représente 50 à 60% des charges.

La composition des revenus présente également des différences structurelles. Les montants et la durée moyenne des prêts sont plus modestes en microfinance : les microcrédits sont en général inférieurs à un an et le prêt moyen (de nos partenaires) est de 765€ contre 16 000€ pour une banque régionale moyenne. Une IMF a des revenus presqu’exclusivement liés à l’activité de financement, contrairement à une banque de détail, aux produits plus étendus et moins soumise à l’activité de financement. En conséquence, les revenus des IMF sont essentiellement tirés par la marge nette de financement : les revenus d’intérêts sur les crédits représentent 88 à 99% des revenus des IMF, très loin des 51% de la banque régionale moyenne.

Les taux d’intérêt du secteur de la microfinance sont plus élevés que ceux de la banque de détail, notamment en raison des coûts opérationnels. Toutefois, l’éthique et l’exigence d’impact conduisent le secteur à optimiser ses coûts d’exploitation. Le tableau ci-dessous présente une comparaison des coûts, revenus et marges par client d’une IMF partenaire et d’une banque de détail. Bien que les écarts soient importants entre régions, la marge par client est positive pour les IMF. La microfinance reste un secteur économique viable, même si les IMF doivent faire face à des défis importants, communs d’ailleurs à la banque de détail.

Des enjeux communs pour la microfinance et la banque

Avec 1,7 milliards d’adultes non bancarisés (3), la microfinance et la banque doivent continuer à innover pour les atteindre. Deux pistes s’offrent à elles : la finance digitale et la résilience face au changement climatique.

La finance digitale transforme le monde de la finance, en le rendant plus agile : Les nouvelles technologies offrent des services financiers numériques qui améliorent à la fois l’efficacité opérationnelle des institutions financières et augmentent la portée de leurs services. L’amélioration des processus opérationnels doit permettre de diminuer les coûts d’exploitation, développer de nouveaux canaux de distribution et toucher de nouveaux marchés. La diffusion de services financiers par ces nouvelles technologies est un pilier de l’accélération financière actuelle. Le potentiel est significatif : sur les 1,7 milliard d’adultes non bancarisés, un milliard possède un téléphone portable et 480 millions ont accès à internet (4).

Le financement de la transition écologique est un autre enjeu commun. Au contact direct avec les petits producteurs, les IMF renforcent le développement des économies rurales. Les petits agriculteurs sont déjà fragilisés par la petite taille de leur exploitation (80% ont une exploitation inférieure à 2 ha) et leur faible insertion dans des filières agricoles (seuls 7% sont formellement insérés dans des chaînes de valeur commerciales). Le changement climatique fait peser un risque supplémentaire et tant les IMF comme la banque de détail doivent innover pour octroyer des financements mieux adaptés aux cycles et aux risques agricoles et favoriser de nouvelles pratiques culturales encourageant la résilience et l’adaptation au changement climatique. La microfinance et la banque de détail se positionnent aussi autour de solutions financières comme celles favorisant l’accès à l’énergie verte destinées à promouvoir la transition écologique.

Ces défis communs rapprochent ces deux branches du système financier qui jouent un rôle puissamment inclusif dans le développement économique et le progrès social et environnemental. Nombreuses sont les synergies à exploiter entre la microfinance et la banque classique. A son échelle et aux côtés du groupe Crédit Agricole et ses IMF partenaires, la Fondation continuera à contribuer à faire progresser la finance responsable et inclusive.

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(1) Le Baromètre de la Microfinance 2018 : //www.convergences.org/barometre-de-la-microfinance/
(2) La banque régionale moyenne est le fruit de calculs basés sur les chiffres fournis par des établissement régionaux français qui ont permis d’établir un profil moyen.
(3) Global Findex 2017
(4) Ibid