Le secteur de la microfinance s’organise face aux effets de la crise sanitaire

Par Fondation Grameen Crédit Agricole

Le virus COVID-19 continue de s’étendre à travers le monde avec plus de 450 000 cas confirmés au 26 mars 2020. Les gouvernements, même ceux qui s’en défendent, engagent des mesures d’endiguement de l’épidémie de plus en plus strictes. Alors que la situation évolue plus rapidement chaque jour, les acteurs de la microfinance se préparent à affronter cette crise en prenant des premières dispositions salutaires.

A la suite de son enquête lancée il y a deux semaines, la Fondation Grameen Crédit Agricole a créé un observatoire pour actualiser en permanence les informations recueillies au travers d’échanges quotidiens avec ses Institutions de microfinance (IMF) partenaires. L’objectif est de mieux comprendre comment les accompagner mais aussi de partager ses analyses avec les autres acteurs financiers du secteur de la Finance inclusive et de l’aide au développement.

S’adapter pour freiner la propagation du virus

Les IMF ont très vite perçu l’enjeu sanitaire de la crise. Elles ont immédiatement cherché à ajuster leurs modalités de fonctionnement aux risques de contaminations en adoptant les gestes barrières recommandés et lancé des campagnes de sensibilisation auprès des clients et des employés.

“Le lavage des mains est obligatoire dans toutes les agences, avec la mise à disposition de seaux et de savon pour toutes les personnes entrant dans les bureaux. Des désinfectants pour les mains sont fournis sur le comptoir pour tous les clients qui font des transactions avec les caissiers. […] Le processus d’acquisition de masques de protection pour les caissiers est en cours. Il est fortement conseillé à tous les membres du personnel qui ressentent des symptômes de rester chez eux pendant le suivi. Nous avons fortement recommandé à tout le personnel d’éviter de se rendre dans les branches compte tenu de l’évolution de la situation, sauf si cela est absolument nécessaire”. – Partenaire en Sierra Leone

Les IMF ont également dû s’adapter aux décisions prises par les autorités locales pour freiner la propagation du virus. Les organisations dans les zones les plus risquées se sont ainsi vu contraintes de cesser partiellement ou complètement leurs opérations et de fermer certaines de leurs agences de proximité.

“Toutes les opérations seront fermées à partir de 12h00, le 26 mars 2020, conformément à l’annonce faite par le Président le lundi 23 mars et afin de permettre au personnel de rentrer chez lui pour la période de confinement. […] Les décaissements destinés aux clients ont été reportés à la fin de la période de confinement”. – Partenaire en Afrique du Sud

Le télétravail ou les systèmes de rotation des effectifs ont été rapidement mis en place chez une très grande majorité de nos partenaires. Face aux nombreuses interdictions de regroupements, les institutions travaillent désormais avec un représentant des groupes solidaires de crédit et restent en contact avec leurs clients par le biais de services de messagerie instantanée.

Les solutions digitales sont particulièrement adaptées à ce contexte. Elles permettent la poursuite des activités de décaissement des microcrédits et de recouvrement à distance. Dans une laiterie du Sénégal, par exemple, le paiement de la collecte de lait aux éleveurs n’a pas connu de perturbation car elle se fait depuis quelques semaines via un dispositif de paiement par téléphonie mobile.

“Nous encourageons par SMS nos clients à utiliser les plateformes de paiement mobile pour les remboursements car il s’agit du mode le plus sûr à l’heure actuelle”. – Partenaire en Ouganda

Si les IMF ont su faire preuve d’adaptation rapide quant à leurs modalités de fonctionnement, le temps est également à la préparation face au ralentissement économique qui se profile. Les réunions de crise se multiplient dans les sièges sociaux, ou via des visio-conférences depuis les domiciles des responsables, afin de mettre en place des plans de continuité.

Nouvelles régulations

Un nombre croissant de pays instaure de nouvelles régulations relatives au crédit pour amortir le choc économique et le probable risque d’insolvabilité des clientèles en situation de fragilité. Les régulateurs incitent notamment les institutions financières à accorder des reports de paiement à leurs clients affectés par la crise, ainsi qu’à restructurer les prêts. De telles décisions commencent déjà à être mises en pratique.

” Le gouvernement met également en œuvre des mesures pour aider les entreprises locales, comme la réduction des taux d’intérêt. Par exemple, le taux d’emprunt pour les prêts garantis est abaissé de 1%” – Partenaire au Myanmar

“La Banque Centrale du Kirghizistan a pris les mesures de soutien suivantes  : 1) annuler l’accumulation des pénalités pour tous les emprunteurs ; 2) revoir les conditions de remboursement des prêts et prévoir un retard de paiement d’au moins 3 mois lorsque les emprunteurs en font la demande ; 3) lors de la restructuration de prêts liés à des changements dans les flux de trésorerie des emprunteurs dus au coronavirus, les institutions ne doivent pas considérer qu’il s’agit de créances douteuses si la cause en est la crise sanitaire” – Partenaire au Kirghizstan

“La Banque centrale a annoncé que les institutions financières doivent accepter toutes les demandes de report de remboursement jusqu’au 30 avril”. – Partenaire au Kosovo

Le secteur de la microfinance montre un haut degré de responsabilité et de maturité pour faire face à cette crise mondiale. Les institutions partenaires de la Fondation Grameen Crédit Agricole produisent des situations financières régulières et des analyses prévisionnelles sur leurs besoins de financement dans les mois qui viennent. Bien que nous n’ayons pas encore observé d’augmentation particulière, l’évolution des niveaux de portefeuille à risque (PAR) fait l’objet systématique d’un très haut degré de vigilance. De nombreux échanges entre prêteurs, organisations non gouvernementales spécialisées et institutions de microfinance sont désormais quotidiennement organisés.

La Fondation Grameen Crédit Agricole est au contact régulier de ses partenaires et confrères dans un effort réciproque de mise en commun des idées et des ressources. Nous partageons avec nos partenaires, avec les acteurs de l’investissement responsable et avec nos pairs nos analyses et les bonnes pratiques mises en place par les institutions de microfinance.

La mise en commun des informations disponibles, des analyses et des anticipations, puis la mise en œuvre concertée des décisions partagées sont des principes aujourd’hui vitaux pour notre secteur. Au prix de cette transparence, de cette concertation et d’une nécessaire adaptation de nos principes d’intervention, nous devrions pouvoir être en mesure de surmonter les effets de cette crise sanitaire exceptionnelle qui risque d’emporter avec elle de nombreuses institutions de microfinance, laissant les populations fragiles dans des situations désespérées. Car nous savons que la crise frappera en tout premier lieu les populations les plus démunies. Durement. Sachons être ensemble à la hauteur de ce défi humanitaire.

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La Fondation poursuit ses investissements au Kosovo

© Philippe Lissac

La Fondation Grameen Crédit Agricole vient d’accorder un nouveau prêt d’un montant en monnaie locale équivalent à 1,5 million d’euros à l’institution de microfinance kosovare Kreditimi Rural i Kosoves (KRK) qu’elle accompagne depuis 2009.

KRK est un projet initié en 2000 par ADIE International sous le nom de Rural Finance Program of Kosovo (RFPK). Le projet s’est transformé en institution de microfinance peu après, lorsque la nouvelle réglementation sur les établissements financiers est entrée en vigueur au Kosovo. KRK a pour mission de fournir un accès aux services financiers dans les zones rurales du Kosovo avec une priorité pour le secteur agricole, de manière pérenne. A ce jour, l’institution compte près de 17 000 clients, dont 16% de femmes et 84% de clients ruraux.

Avec cet investissement, la Fondation a aujourd’hui, dans la région Europe de l’Est & Asie Centrale, un portefeuille d’encours de 22 millions d’euros, ce qui représente 23% de son portefeuille, et compte 18 organisations partenaires soutenues, soit 21% des institutions de microfinance et entreprises à impact qu’elle finance.

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Créée en 2008, sous l’impulsion conjointe des dirigeants de Crédit Agricole S.A. et du Professeur Yunus, Prix Nobel de la Paix 2006 et fondateur de la Grameen Bank, la Fondation Grameen Crédit Agricole est un opérateur multi-métiers qui contribue à la lutte contre la pauvreté par l’inclusion financière et l’entrepreneuriat à impact social. Investisseur, prêteur, coordinateur d’assistance technique et conseiller de Fonds, la Fondation soutient des institutions de microfinance et entreprises sociales dans près de 40 pays.

Un programme d’AT pour renforcer la microfinance en Afrique de l’Ouest

© Didier Gentilhomme

Des acteurs engagés pour la microfinance

Avec plus de 10 ans d’expérience dans le secteur de la microfinance, la Fondation Grameen Crédit Agricole finance et accompagne avec de l’assistance technique des institutions de microfinance. Ce sont plus de 200 millions d’euros de financements, une présence dans près de 40 pays et plus de 85 institutions soutenus depuis l’origine. Avec 37% des investissement en Afrique Subsaharienne, le continent est au cœur des actions de la Fondation et de sa mission de contribuer à la lutte contre la pauvreté.

Aux côtés de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) et du Gouvernement luxembourgeois, la Fondation va renforcer son soutien aux institutions de microfinance en Afrique de l’Ouest dans le cadre d’un nouveau programme d’assistance technique. Les deux partenaires de la Fondation ont une forte expérience dans le développement de la microfinance : la BEI a déjà engagé plus de 1,3 milliard € en faveur du secteur depuis les premières opérations de microfinance en 1992 et le Luxembourg concentre 61% des actifs mondiaux sous gestion en microfinance.

Renforcer l’impact de la Fondation en Afrique de l’Ouest

Après avoir octroyé en 2019 à la Fondation Grameen Crédit Agricole un prêt équivalent à 12 millions d’euros en francs CFA afin de soutenir la microfinance en Afrique de l’Ouest, la BEI a attribué, au nom du Gouvernement du Luxembourg, une subvention de 332 000 € pour apporter un appui technique à cinq institutions de microfinance soutenues par la Fondation.

Ce programme de deux ans permettra à la Fondation d’accompagner Caurie (Sénégal), Kafo Jiginew (Mali), Graine (Burkina Faso), ACEP Burkina Faso et ACEP Niger afin de faciliter leur transformation digitale, améliorer la gestion des risques ou encore renforcer la gestion de la performance sociale. Grâce à ce partenariat avec la BEI et le Gouvernement du Luxembourg, la Fondation accroît sa présence en Afrique de l’Ouest et renforce sa proposition de valeur auprès de ses partenaires dans la région.

UGAFODE, partenaire de la Fondation en Ouganda, étend ses services aux réfugiés

UGAFODE Microfinance Limited (MDI) a ouvert une agence dans le camp de réfugiés de Nakivale in Ouganda dans le cadre d’un programme pour l’inclusion financière des réfugiés lancé par l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, l’Agence de Coopération Suédoise et la Fondation Grameen Crédit Agricole. L’initiative vise à créer des moyens de subsistance durables, la résilience et l’autonomie des réfugiés dans les communautés d’installation et d’accueil. Cela fait suite à un projet pilote réussi d’inclusion financière pour les réfugiés à Kampala. Dans le cadre du projet, les réfugiés continuent d’avoir accès à des services de crédit, d’épargne et de transfert d’argent.

Au cours de la phase pilote, UGAFODE a ajusté ses procédures, y compris les exigences en matière de documents, telles que l’identification (carte d’identité de réfugié délivrée par le bureau du Premier ministre – département des réfugiés). « Servir les réfugiés correspond bien à notre mission de transformer la vie des populations à faible revenu mais économiquement actives. Les réfugiés sont économiquement actifs et ont des besoins financiers comme toute autre personne et méritent la plus grande attention », a déclaré Shafi Nambobi, Directeur général d’UGAFODE.

Le camp de Nakivale accueille plus de 100 000 réfugiés originaires de 13 pays, la plupart travaillant dans l’agriculture et le commerce. Avec l’agence de Nakivale, UGAFODE étendra les services financiers aux petits agriculteurs réfugiés et aux membres de la communauté d’accueil pour améliorer les revenus des ménages. Nambobi a annoncé que l’institution prévoit de déployer à l’avenir des services financiers pour les réfugiés dans d’autres zones d’installation.

Selon les réfugiés interrogés, l’agence UGAFODE Nakivale leur évite de parcourir de longues distances pour accéder à des services financiers à Mbarara ou Isingiro. “Avec la création de cette agence UGAFODE dans notre camp, des services financiers ont été apportés dans notre cour. Nous pouvons maintenant être servis facilement”, a déclaré l’un des réfugiés. Un autre réfugié a déclaré qu’au préalable, en raison du mauvais état des routes, il fallait une journée juste pour aller à la banque et que l’agence les aiderait à économiser sur les coûts de transport et le temps perdu à voyager.

Plus d’informations sur le programme ici.

La Fondation renforce son soutien à l’institution de microfinance Graine

© Didier Gentilhomme

En février, la Fondation Grameen Crédit Agricole a signé un nouveau contrat de financement au Burkina Faso, en faveur de l’institution de microfinance Graine, pour un montant en monnaie locale équivalent à 380 000 euros. Ce financement se fait dans le cadre du programme de la Facilité Africaine, un dispositif mis en place en 2013 par la Fondation Grameen Crédit Agricole, en partenariat avec l’AFD, pour accompagner un plus grand nombre d’institutions de microfinance rurales en Afrique subsaharienne.

GRAINE (GRoupe d’Accompagnement à l’Investissement et à l’Epargne) est une institution de microfinance qui s’est fixée comme mission de «contribuer à l’amélioration des conditions économiques et sociales des populations pauvres du Burkina Faso, en majorité les femmes du milieu rural, en leur offrant des services financiers adaptés». A ce jour l’institution compte plus de 24 000 clients dont 97% de femmes et 80% de clients ruraux.

Avec ce nouveau financement, le montant des encours de la Fondation en Afrique subsaharienne atteint 35,5 millions d’euros, soit 37% du total d’encours de la Fondation. Avec 40 partenaires, l’Afrique subsaharienne regroupe 47% des institutions et entreprises soutenues par la Fondation à fin février 2020.

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Créée en 2008, sous l’impulsion conjointe des dirigeants de Crédit Agricole S.A. et du Professeur Yunus, Prix Nobel de la Paix 2006 et fondateur de la Grameen Bank, la Fondation Grameen Crédit Agricole SA est un opérateur multi-métiers qui contribue à la lutte contre la pauvreté par l’inclusion financière et l’entrepreneuriat à impact social. Investisseur, prêteur, coordinateur d’assistance technique et conseiller de Fonds, la Fondation soutient des institutions de microfinance et entreprises sociales dans près de 40 pays.

Comment le Coronavirus affecte le secteur de la microfinance

Par Fondation Grameen Crédit Agricole

Créée en 2008, à l’initiative conjointe de Crédit Agricole SA et du professeur Yunus, fondateur de la Grameen Bank et prix Nobel de la paix 2006, la Fondation Grameen Crédit Agricole est un opérateur engagé dans la promotion d’une économie mieux partagée.

Investisseur, bailleur de fonds, prestataire d’assistance technique et conseiller en fonds, la Fondation compte plus de 80 partenaires (institutions de microfinance et social business) et opère dans une quarantaine de pays avec près de 100 millions d’euros d’encours de financement. La Fondation se concentre sur les institutions de microfinance au service des femmes et des populations rurales. Ces institutions soutiennent environ 4 millions de clients.

Le secteur de la microfinance est exposé et inquiet

Le 19 mars, selon les chiffres à cette date de Santé Publique France, le coronavirus a atteint 213 00 personnes dans le monde. 8 800 décès sont à déplorer. Après avoir annoncé la fermeture de nombreuses institutions et entreprises, des mesures de confinement continuent d’être prises dans le monde. L’Afrique et l’Amérique du Sud n’ont pas été officiellement touchées par le virus pendant longtemps, mais elles sont aujourd’hui confrontées à cette pandémie avec des centaines de cas déjà identifiés.

La crise sanitaire mondiale devient peu à peu une crise économique. Les activités économiques sont ralenties dans tous les pays et les bourses ont perdu près d’un tiers de leur valeur en moins d’un mois. Le secteur de la microfinance va être sans aucun doute durement affecté par les effets de cette crise mondiale.

L’équipe de la Fondation Grameen Crédit Agricole a rapidement lancé une enquête auprès de ses partenaires le 11 mars dernier afin de recueillir leurs premières impressions et analyses, l’impact sur leur activité de financement, l’activité de leurs clients et l’anticipation des besoins et des difficultés à venir. Toutes les informations contenues dans cet article proviennent de cette enquête. 56 Institutions de microfinance (IMF) y ont répondu, sur 75 partenaires interrogés (taux de participation de 75%). Les dernières réponses ont été reçues le 19 mars.

Tous nos partenaires traduisent dans leurs réponses une réelle inquiétude sur les effets attendus de cette crise sanitaire mondiale.

Les décisions des gouvernements locaux impactent déjà les petites activités génératrices de revenus

48% des IMF interrogées ont estimé que leurs clients étaient d’ores et déjà touchés par les effets de l’épidémie du coronavirus au moment de l’enquête, et 68% d’entre eux pensent qu’ils le seront dans un avenir proche. Dans de nombreux pays d’intervention, les gouvernements ont décidé de fermer des écoles ainsi que les activités non essentielles, de restreindre les déplacements ou d’interdire les rassemblements. C’est notamment déjà le cas au Sri Lanka, au Cambodge, en Roumanie, au Myanmar, en Sierra Leone, en Jordanie, au Mali et dans d’autres pays en activité. Ces changements ont lieu partout aujourd’hui et chaque jour de nouveaux pays sont ajoutés à cette liste.

De telles décisions ont d’ores et déjà un impact direct sur les clients de nos partenaires. De nombreux emprunteurs des services de microfinance dépendent des importations pour leur activité commerciale. Les fermetures de frontières et les interdictions de voyager ont des effets directs sur leurs activités. L’interdiction de voyager en Chine affecte non seulement les pays asiatiques mais aussi les pays africains.

“Comme la frontière avec la Chine a été fermée, certains prix des produits agricoles diminuent, de sorte que nos clients agriculteurs n’obtiennent pas de bons prix pour leur récolte.” – Institution de microfinance du Myanmar

“Nous avons des clients qui voyagent pour leurs achats (Chine, Côte d’Ivoire, Togo, Bénin, …). Les commerçants du secteur informel ont peur et cela peut affecter leurs activités.” – Institution de microfinance du Burkina Faso

L’impossibilité de se rassembler impacte toutes les opérations qui ont lieu dans les marchés et les foires. Les commerçants sont interdits d’exercice de leurs activités et n’ont pas de revenus alternatifs. L’interdiction de voyager affecte fortement le tourisme mondial et en conséquence toutes les petites activités de proximité dépendantes du tourisme (hôtels, chauffeurs, guides, restaurants, vendeurs de souvenirs…). Les transferts de fonds diminuent, ce qui affecte également des familles restées dans les pays d’origine qui dépendent, en grande partie, de ces transferts.

“ Si l’interdiction de voyager se poursuit dans la région du Golfe et en Europe, l’économie de la Jordanie risque de souffrir car elle dépend aussi des revenus du tourisme et des transferts de fonds du Golfe” – Institution de microfinance de Jordanie

A l’exception d’un cas, nous n’avons pas eu d’information sur la mise en œuvre d’éventuels plans d’atténuation économique qu’auraient mis en place les autorités locales, ce qui témoigne probablement d’une difficulté à ajuster ou à intervenir dans ce cadre, probablement aussi d’un manque de données précises ou de moyens budgétaires disponibles. Le seul exemple précis qui nous a été fourni est celui de la Palestine. À travers huit lignes directrices, l’Autorité monétaire palestinienne est intervenue en exhortant les sociétés financières à continuer de fournir des services de prêt aux personnes pour assurer la poursuite du cycle commercial et économique et envisager le report des paiements mensuels périodiques de tous les emprunteurs pour les quatre prochains mois (six mois pour le tourisme et le secteur hôtelier). Les mesures prévoient également qu’aucun frais, commission ou intérêt supplémentaire sur les versements différés ne saurait être perçu pendant la période.

L’activité des institutions financières pourrait se contracter

Bien que préoccupées par l’évolution de la crise et ses premiers signes, 59% (33) des IMF interrogées ont indiqué que leur activité n’était pas encore affectée par l’épidémie à la date de l’étude (entre le 11 et le 19 mars). 23 IMF (37%) se sentaient préoccupées au moment de cette enquête, donnant plusieurs explications telles que le risque pour le personnel de terrain, les déplacements restreints, le travail à domicile.

L’une des principales préoccupations est l’interdiction des réunions qui affectera toutes les institutions dont la méthodologie de microfinance est basée sur une approche de « groupe caution solidaire ». Certains partenaires s’adaptent déjà en nommant des représentants des groupes pour limiter les réunions ou en s’appuyant sur des « représentants de groupe » parmi leurs clients.

Dans certains pays où aucune décision claire n’a encore été prise, les IMF envisagent de reporter les décaissements si leurs agents de crédit ne sont pas en mesure de voyager ou doivent adapter temporairement leur processus de recouvrement.

“Pendant la période d’urgence jusqu’au 29 mai 2020, les réunions du centre client n’auront pas lieu comme d’habitude. Au lieu de cela, la méthode «Pay and Go» a été mise en place de la façon suivante  : seuls les clients « chefs de groupe », de deux à quatre personnes par centre de 15 à 20 clients en général, sont invités à se rendre à la réunion habituelle du centre. Ce sont les chefs de groupe qui percevront l’acompte de leurs membres ”. – Institution de microfinance d’Indonésie

“Nous avons mis en place une procédure spéciale pour rencontrer individuellement les membres des groupes de caution solidaire. Nous fournissons des conseils aux clients sur la meilleure façon de faire face à la situation” – Institution de microfinance du Sénégal

Nos partenaires doivent également s’adapter à la situation rencontrée par leurs collaborateurs en veillant avant tout à sauvegarder leur santé. Les risques de transmission de virus sont un facteur important à prendre en compte pour l’activité des agents de crédit. Les réponses au questionnaire montrent que les règles de confinement empêchent directement et immédiatement le bon déroulement de l’activité pour tous les services des institutions. Certains membres du personnel travaillent déjà à domicile dans certaines nstitutions.

“Almaty, où se trouve le siège social, sera en quarantaine à partir du 19 mars, les employés travailleront à distance” – Institution de microfinance du Kazakhstan

“Le personnel sur le terrain court un risque important de contracter le virus. Les employés hésitent donc à travailler avec les clients. La mise en quarantaine frappera l’ensemble du marché des IMF” – Institution de microfinance en Ouganda

Le portefeuille à risque et les besoins de liquidité sont sous vigilance

Beaucoup d’institutions se déclarent préoccupées par la montée des risques. Mais selon notre enquête, au moment de répondre, seules 11 IMF (20%) notaient une augmentation du portefeuille à risque. Nos partenaires africains ont semblé davantage préoccupé que leurs pairs des autres continents. En revanche, un grand nombre d’entre eux sur toutes nos zones d’intervention (40 pays sur 3 continents, Afrique, Asie, Europe), sont inquiets pour l’avenir : 36 IMF (64%) prévoient une augmentation du portefeuille à risque.

“Nous allons probablement enregistrer une augmentation potentielle du portefeuille d’impayés et une réduction de la demande de crédit. Cette augmentation des impayés devrait être de l’ordre de 2% mais la croissance de notre portefeuille va sans aucun doute ralentir” – Institution de microfinance du Cambodge

Étonnamment, quelques partenaires considèrent qu’ils ne courent pas plus de risques que d’habitude. Ces réactions proviennent d’institutions qui sont majoritairement implantées en zones rurales.

“De manière générale, nos clients étant principalement des ruraux (70%), nous prévoyons qu’ils ne connaîtront pas de forte détérioration d’activité ou de revenus en raison de la hausse des prix de leurs produits agricoles. Nous y verrons plus clair dans la seconde moitié d’avril.” – Institution de microfinance du Kyrgyzstan

“Au 16 mars 2020, nos activités se poursuivent comme d’habitude. Nous n’avons pas encore vu d’impact sur le remboursement des prêts au Cambodge, notamment Siem Reap et Phnom Penh. Cependant, nous nous attendons à une certaine augmentation à Siem Reap à partir de la fin de ce mois. Dans cette zone du pays toutefois, nos clients vivent principalement dans des zones rurales. L’exposition que nous avons sur le tourisme, l’hôtellerie et l’industrie des services est minime.” – Institution de microfinance du Cambodge

Cette crise sanitaire va avoir un impact sur les besoins de liquidité des institutions. Selon notre enquête, 29 IMF (52%) prévoient une évolution de leurs besoins de financement. La plupart des IMF de petite taille (portefeuille inférieur à 10 Millions de dollars) ne prévoit pas de changements dans le temps. Leur taille semble être un facteur d’agilité mais nous sommes attentifs à ce point qui ne nous semble pas particulièrement évident. La majorité des institutions de taille moyenne (taille du portefeuille entre 10 et 100 millions de dollars) prévoit des modifications dans leurs besoins de financement auprès des bailleurs de fonds (dont la Fondation Grameen Crédit Agricole). De nombreuses Institutions s’attendent à des problèmes de refinancement de leurs activités. Un renchérissement des mécanismes de couverture de change est attendu et des discussions avec les différents prêteurs sont ou vont être engagées d’ici peu.

“ Indirectement, le taux de change devient très volatile en raison de l’épidémie. Nous avons une hausse des demandes de microcrédits en dollars US et une diminution des demandes en monnaie locale, ce qui affecte le volume de prêts que nous pouvons décaisser.” – Institution de microfinance du Myanmar

Des problèmes de liquidité sont anticipés. En effet, le non-remboursement par les bénéficiaires de microcrédit pourrait constituer un obstacle à la possibilité de décaisser de nouveaux prêts. La hausse des provisions pour risques et pertes potentielles est perçue comme un obstacle pour obtenir de nouveaux financements en provenance des bailleurs de fonds habituels.

“Si la situation se poursuit jusqu’au milieu de l’année, nous aurons besoin de liquidités car la plupart des actifs liquides auront été supprimés par un provisionnement élevé pour les actifs dépréciés (pertes attendues) en raison de la hausse du non-remboursement” – Institution de microfinance en Ouganda

” Le non-remboursement des prêts entraîne une diminution de la liquidité. Oui, nous avons pris des mesures pour limiter cette situation potentielle” – Institution de microfinance du Mali

Le secteur de la microfinance en appelle à des mesures adaptées

Certaines IMF ont déjà demandé à la Fondation s’il était possible d’aider leurs institutions à traverser la période ou les effets de la pandémie seront les plus rudes.

“Nous aimerions bénéficier de conseils sur la façon d’éviter la maladie et sur les traitements disponibles et efficaces pour le traitement en cas d’infection” – Institution de microfinance du Benin

“Nous souhaiterions que la Fondation Grameen Crédit Agricole compile des informations sur les mesures de à mettre en place pour éviter le corona virus, et aussi, concernant les institutions du monde entier, sur la façon de relever les défis qui nous attendent.” – Institution de microfinance en Ouganda

Un partenaire a rappelé que lors de catastrophes naturelles passées, il y avait eu des mesures particulièrement adaptées qui avaient été mises en place. Certaines, qui peuvent paraitre contre-intuitives, avaient donné lieu à une augmentation des financements pour permettre aux clients de se remettre des chocs et dépasser cette période difficile. Assécher les financements n’aurait qu’un effet d’intensification des difficultés et des impacts de la crise.

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Banquiers Solidaires : une nouvelle mission à pourvoir au Tadjikistan

Lancé par la Fondation Grameen Crédit Agricole et Crédit Agricole S.A, Banquiers Solidaires est un programme de volontariat de compétences ouvert aux collaborateurs du Groupe en faveur d’institutions de microfinance ou d’entreprises à impact. L’objectif de ce programme est double : il permet de valoriser les compétences des collaborateurs du groupe Crédit Agricole et d’apporter un soutien complémentaire aux institutions de microfinance et entreprises à impact partenaires de la Fondation. Grâce à ce dispositif, le groupe Crédit Agricole réaffirme sa volonté de soutenir les initiatives solidaires des collaborateurs.

Les missions Banquiers Solidaires, qu’est-ce que c’est ?

Des missions de bénévolat à l’étranger sont proposées aux collaborateurs pour le compte d’institutions de microfinance ou d’entreprises à impact social, partenaires de la Fondation Grameen Crédit Agricole.

Les missions sont réalisées en mécénat ou bénévolat de compétences. Le billet d’avion et l’assurance sont pris en charge par Crédit Agricole S.A. Les éventuels frais de transports internes, les dépenses de restauration et d’hébergement sont payés par l’organisation bénéficiaire. La Fondation Grameen Crédit Agricole assurera la préparation et la coordination de la mission.

Depuis le lancement du programme en 2018, quatorze missions ont été réalisées tant en mécénat que bénévolat de compétences.

Une mission à pourvoir !

Une mission de sept à dix jours en matière d’évaluation des garanties est à pourvoir en faveur d’Oxus Tadjikistan, au Tadjikistan, soit fin juin, soit entre août et octobre 2020.

L’histoire d’OXUS a commencé en 1997 au Tadjikistan, au moment même où le pays sortait d’une guerre civile. À l’époque, ACTED a commencé à débourser ses premiers microcrédits dans la vallée de Vakhsh. Suite au succès de cette première initiative, ACTED a progressivement lancé plusieurs programmes de microfinance à travers le pays. En février 2006, OXUS a finalement été enregistrée auprès de la Banque nationale tadjike en tant qu’organisation de microcrédit.

En décembre 2019, OXUS Tadjikistan est classé parmi les plus importantes institutions de microfinance en termes de portefeuille dans le pays. Actuellement, MCO «OXUS» Tadjikistan fait partie des institutions de microfinance du groupe OXUS qui opère également au Kirghizistan et en Afghanistan.

Objectifs de la mission :

  • Analyse de la méthodologie actuelle en matière d’évaluation des garanies
  • Développer une nouvelle méthodologie d’évaluation
  • Former des managers au niveau du siège

Comment y postuler ?

  • Cliquez sur le lien ci-contre “Trouver sa mission”
  • Rentrez dans la barre de recherche : “Fondation Grameen”. Toutes les offres de Congés Solidaires apparaîtront !
  • Cliquez sur l’offre de votre choix, vous y trouverez toutes les informations nécessaires à votre candidature.

Contact

Carolina HERRERA
Directrice Communication & Partenariats
carolina.herrera@credit-agricole-sa.fr

Crédit Agricole CIB et la Fondation soutiennent l’accès à l’énergie en Côte d’Ivoire

© Philippe Lissac

Après plusieurs mois de travail, un projet pilote de titrisation initié par Crédit Agricole CIB et la Fondation Grameen Crédit Agricole voit le jour en Côte d’Ivoire. Il vise à lutter contre la précarité énergétique en finançant la fourniture d’équipements solaires individuels hors réseau à des populations principalement rurales en Côte d’Ivoire.

Un projet technologique à fort impact

L’accès à l’énergie est un des enjeux majeurs en Afrique : plus de 620 millions de personnes n’ont pas accès à l’électricité et continuent à utiliser les lampes torches à pile et les lampes à pétrole, en dépit des effets nocifs pour la santé et pour l’environnement. Cette précarité énergétique touche notamment les populations rurales habitant des zones non desservies par les réseaux électriques.

Le financement de l’activité « Solar Home Systems » de ZECI (Zola EDF Cote d’Ivoire) vise à répondre à cette problématique en fournissant des équipements solaires hors-réseau en Côte d’Ivoire. ZECI est une entreprise co-fondée par EDF et Zola Electric qui commercialise et assure la maintenance des kits solaires pour répondre aux besoins des populations rurales non desservies par les réseaux électriques locaux. Cette offre est proposée dans le cadre de contrats de vente à tempérament sur une durée de 3 ans et dont les paiements sont effectués via mobile money et échelonnés par le client en fonction de ses revenus disponibles. Afin de soutenir le développement de l’entreprise, plusieurs acteurs financiers se sont associés en vue de mettre en place un financement sous forme de titrisation des créances au titre des contrats de vente d’équipements aux clients.

Une structure innovante

Pour financer le développement de ZECI, un véhicule de financement (NEoT CI) a été créé, qui rachète les créances et les kits solaires de ZECI au fur et à mesure de la conclusion des contrats. Ce véhicule est détenu par la société NEoT Off-Grid Africa, une plateforme dédiée aux investissements dans des projets off-grid en Afrique, détenue par le fonds d’infrastructure Meridiam, avec comme coactionnaires Mitsubishi Corporation et EDF et gérée par NEoT Capital.

Des banquiers engagés pour le développement

Le financement du véhicule (NEoT CI) a été structuré sous la forme d’une titrisation par Crédit Agricole CIB, Société Générale CIB et Société Générale Côte d’Ivoire (SGCI), avec une part equity apportée par NEoT Off-Grid Africa et un prêt senior en monnaie locale de 11,80 milliards de Francs XOF (soit environ 18 millions d’euros) octroyé par SGCI avec des garanties apportées par la Banque Africaine de Développement (BAD) et Crédit Agricole CIB.

En plus de participer à la mise en place et au financement du projet, la Fondation Grameen Crédit Agricole sera également en charge du suivi de la performance sociale et environnementale du projet. Ce financement permettra à ZECI de renforcer son modèle économique et de démultiplier son impact dans les zones rurales en Côte d’Ivoire.