La Fondation publie La Lettre #35

La Fondation Grameen Credit Agricole publie sa Lettre #35,  marquée par la crise liée au Coronavirus qui continue de s’étendre et de s’intensifier. La Fondation, en lien permanent avec son réseau de 75 institutions de microfinance (IMF) partenaires présentes dans près de 40 pays, a entrepris depuis début mars un travail de collecte d’informations, d’analyse et de partage de ses observations. Ces informations sont très importantes. Elles nous permettent, à notre niveau, de prendre les décisions les plus pertinentes pour la gestion de la Fondation, pour l’accompagnement de nos partenaires et l’efficacité de notre action au plus près de leurs difficultés et anticipations.

La crise économique s’annonce très dure, au-delà sans aucun doute de nos premières prévisions de début mars, mais les institutions se préparent à affronter ses effets. Aucun modèle de stress ne l’avait anticipé. La réponse devra être donc être systémique, elle aussi, si nous voulons éviter une défaillance majeure de cette industrie.

Pour cela, les bailleurs organisent leur action en adaptant les plans de financement mais également en proposant des outils de suivi, des plans d’assistance technique ou des formations pour renforcer les capacités des équipes des IMF à faire face à cette situation aussi soudaine qu’exceptionnelle. Tous ces éléments rappellent à quel point cette crise est l’affaire de tous les acteurs de la microfinance. L’implication et la rigueur des institutions locales, la coordination des réseaux internationaux, le soutien des bailleurs de fonds publics ou privés et la confiance des investisseurs seront les valeurs clés de notre capacité collective à remporter le défi posé par ce tsunami sanitaire.

Téléchargez la Lettre #35 ici.

La Fondation Grameen Crédit Agricole publie son Rapport intégré 2019

©Philippe Lissac

Pour la troisième année consécutive, la Fondation a connu une croissance dynamique de son activité : l’encours a atteint 96 millions d’euros au profit de 75 institutions de microfinance et 12 entreprises sociales dans 39 pays. L’entreprenariat féminin et le développement des économies rurales sont au cœur de l’action de la Fondation : 85% des clients des institutions financées sont des femmes et 78% vivent en milieu rural.

Des partenariats renforcés

En 2019, la Fondation a réaffirmé sa position de levier auprès du groupe Crédit Agricole dans la promotion de la finance inclusive. Travaillant déjà en étroite collaboration avec le Crédit du Maroc et le Crédit Agricole Égypte, la Fondation s’est associée à la Crédit Agricole CIB en Inde pour soutenir les institutions de microfinance indiennes. Le Fonds pour la Finance Inclusive en Milieu Rural (FIR) a réuni pas moins de 21 Caisses régionales, ainsi qu’Amundi et Crédit Agricole Assurances. Par ailleurs, Banquiers solidaires, le programme de volontariat du Crédit Agricole en faveur des partenaires de la Fondation, a clôturé une première année de succès : depuis le lancement du programme en 2018, 13 missions ont été lancées, pour un total de 123 jours consacrés à des missions.

L’année dernière, la Fondation a également développé de nombreux projets avec des partenaires institutionnels et techniques. Le programme avec l’Agence Française de Développement (AFD) est dans sa deuxième phase et soutient 22 institutions de microfinance en Afrique Subsaharienne. La Fondation a également reçu un prêt de la Banque européenne d’investissement d’un montant de 12 millions d’euros équivalent en Francs CFA et un financement pour développer un programme d’assistance technique afin de soutenir la microfinance en Afrique de l’Ouest.

En 2020, la Fondation continuera à travailler avec ses partenaires pour soutenir l’entrepreneuriat à impact et l’inclusion financière. Face à la crise du Covid-19, la Fondation organise son action avec d’autres bailleurs de fonds, en adaptant les plans de financement et d’assistance technique pour renforcer les capacités des organisations soutenues. 2020 sera une année marquante et la Fondation continuera à contribuer à la lutte contre la pauvreté, avec ambition et engagement.

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Carnet de voyage d’un Banquier solidaire au Cambodge

Par Dominique Rombczyk, CA Val de France

©Philippe Lissac

Lancé par la Fondation Grameen Crédit Agricole et Crédit Agricole S.A. en juin 2018, Banquiers Solidaires est un programme de volontariat de compétences ouvert à tous les collaborateurs du groupe Crédit Agricole en faveur d’institutions de microfinance ou d’entreprises à impact soutenues par la Fondation. Découvrez la tribune de Dominique Rombczyk, Banquier solidaire de CA Val de France, qui est parti en 2019 au Cambodge accompagner Phare Performing Social Enterprise (PPSE), entreprise sociale dont la Fondation est actionnaire.

Quand j’ai découvert le programme Banquiers Solidaires, je me souviens avoir recherché le maximum d’informations sur la Fondation Grameen Crédit Agricole, sur le professeur Yunus, la finance inclusive, l’entreprenariat social … Des notions connues, des valeurs partagées, mais qui paraissent faire partie d’un autre univers. L’opportunité offerte par le Crédit Agricole et la Fondation de pouvoir prendre part à cet univers était trop enthousiasmante pour être ignorée.

J’ai donc décidé de postuler et j’ai été retenu pour réaliser la mission Banquiers Solidaires auprès du Cirque Phare (PPSE), une entreprise sociale qui vise à promouvoir l’insertion sociale et l’autonomisation des jeunes cambodgiens à travers l’art. Les objectifs de la mission étaient d’identifier les rôles de l’équipe financière et managériale, de former et élaborer un plan de formation sur des notions de management et de stratégie financière, et de proposer des outils de suivi et de gestion financière.

La phase de préparation a été essentielle. Après des premiers échanges avec l’équipe de la Fondation Grameen Crédit Agricole, s’en est suivi une lecture de documents de présentation de PPSE, de données financières et d’informations globales pour mieux appréhender la mission. Dans les semaines qui ont précédé le départ, plusieurs contacts ont eu lieu avec la Fondation et l’entreprise pour finir de planifier la mission. Les échanges téléphoniques m’ont permis de voir l’état d’esprit enthousiaste de toutes les parties prenantes.

Une mission terrain passionnante

Le 7 Septembre 2019 départ pour le Cambodge, en compagnie d’Hélène Keraudren-Baubé, Directrice administrative et financière de la Fondation, pour 15 jours de mission terrain. C’est le Directeur général de la structure lui-même qui, dès l’aéroport, est venu nous retrouver avec sa famille, instaurant ainsi un climat très familial qui ne nous a pas quittés de tout le séjour.

Durant les quatre premiers jours de la mission nous avons eu plusieurs rencontres avec le DG et les responsables de départements pour analyser le fonctionnement et l’organisation de PPSE afin de réfléchir ensemble à des pistes pour optimiser la structure. La présence de Mme Keraudren-Baubé les premiers jours de mission a été une vraie valeur ajoutée pour proposer une planification de stratégie pertinente pour PPSE.

Nous avons par ailleurs eu la chance d’assister au spectacle proposé par le Cirque Phare. Un spectacle mêlant théâtre, musique folklorique et histoires cambodgiennes. La prestation incroyable des jeunes artistes, issus de milieux sociaux et économiques difficiles, a été un des moments forts de ma mission.

La seconde partie de la mission était principalement basée sur la formation des équipes du pôle financier. Des formations en comptabilité, analyse et stratégie financière, ont permis de consolider, au sein de l’équipe financière de PPSE, certaines notions, mais également de détecter les besoins en termes de formation, et ainsi de pouvoir rédiger un plan de formation que la structure pourra mettre en place par la suite.

De retour en France

Après le retour de mission, de nombreux chantiers étaient en cours. Le plan de formation, le chantier de planification stratégique, la rédaction d’un support pour la communication financière auprès du Conseil d’Administration de PPSE, la mise en place d’un outil de monitoring financier… Plusieurs semaines après le retour, j’ai envoyé mon rapport final à PPSE. Les échanges dans l’intervalle ont été positifs, et des éléments établis lors de la mission sont déjà utilisés et mis en place.

Je reviens en France avec la joie d’avoir pu partager le quotidien de tant de personnes passionnées, enthousiastes et brillantes au sein de la Fondation Grameen Crédit Agricole et de PPSE. Cette mission m’a permis de vivre de l’intérieur le fonctionnement d’une entreprise sociale et la belle dynamique qui anime ces structures. L’idée de vivre cela au quotidien est extrêmement tentante.

Un sentiment de fierté existe également : celui de faire partie d’un Groupe qui agit concrètement, sur le terrain, avec engagement, pour défendre des valeurs sociales.

Accessoirement, mais cela mérite d’être mentionné, la visite du temple Angkor Vat, lieu emblématique du Cambodge (qui apparait sur son drapeau), ne peut que marquer profondément tous les visiteurs qui s’y rendent.

Lettre #35 à télécharger ici

Autour du lait, une dynamique territoriale s’instaure au Nord du Sénégal

Interview de Bagoré Bathily, Fondateur et PDG, Laiterie du Berger

©Philippe Lissac

Acteur engagé pour la professionnalisation de la filière lait, à partir de son usine laitière située dans la région de Saint-Louis au Nord du Sénégal, la Laiterie du Berger repose sur une organisation d’approvisionnement local qui fait figure de modèle en Afrique sahélienne. Entreprise à impact social dont la Fondation est actionnaire, elle continue de s’épanouir grâce à la création de sa filiale Kossam SDE, société de développement de l’élevage. Coup de projecteur sur l’interview de Bagoré Bathily, Fondateur et PDG de la Laiterie du Berger.

– Vous avez créé Kossam SDE, une filiale de la Laiterie du Berger, de quoi s’agit-il ?

Bagoré Bathily, PDG de la Laiterie du Berger : Le projet Kossam SDE a démarré en 2017 par une mission Banquiers solidaires, programme de volontariat de compétences du Crédit Agricole, menée par Jonathan Michaud, un ingénieur agronome de Crédit Agricole Franche-Comté, qui dirige aujourd’hui Kossam.

L’objectif de Kossam est de structurer la filière lait au Nord du Sénégal. Son fonctionnement s’articule autour de quinze mini-fermes qui éprouvent et fiabilisent le modèle.

– Que sont exactement ces mini-fermes ? Quel est leur impact sur la région ?

Ce sont des pôles de spécialisation laitière. Concrètement, les éleveurs y placent en stabulation les meilleures vaches productrices de lait de leurs troupeaux à chaque instant de l’année. Kossam leur fournit les meilleures conditions de production en termes d’alimentation, d’abreuvement, de suivi de reproduction, de conseil.

Ces actions donnent cohérence à la filière, valorisent le secteur et freinent les transhumances. La filière s’organise et devient plus attractive. Les jeunes s’impliquent, se forment à de nouveaux métiers, accèdent à des responsabilités. Cela a aussi des retombées pour les familles. Grâce aux revenus tirés de l’élevage laitier, elles se sédentarisent, améliorent leurs conditions de vie, scolarisent les enfants. Autour de Kossam, toute une dynamique territoriale s’instaure.

– Avec Kossam, la Laiterie du Berger étend son périmètre de compétences. Quels bilans et perspectives tirez-vous de la filière lait sénégalaise ?

Aujourd’hui, notre niveau de production de lait local a atteint des niveaux industriels. Avec des perspectives de revenus plus élevés, la filière est maintenant structurée et notre modèle d’entrepreneuriat social continue de faire ses preuves. Nous avons trouvé des débouchés pour nos produits dans la région de Dakar. À sa création il y a dix ans, la Laiterie du Berger réalisait un chiffre d’affaires de 30 000 euros. À présent, il est de 10 millions d’euros. Nous prévoyons de toucher 2 000 familles d’ici 2022 et de déployer 100 mini-fermes à l’échelle du territoire. Chaque avancée est un nouveau défi !

– La Laiterie du Berger est accompagnée par la Fondation Grameen Crédit Agricole, par Crédit Agricole Franche-Comté et par Amundi. Quelle importance représentent vos partenaires ?

La Laiterie du Berger et Kossam sont des entreprises fondées sur le modèle de l’entrepreneuriat à impact social, l’une pour la fabrication et la distribution de produits laitiers, l’autre pour l’élevage et la production de lait. Notre modèle va de paire avec une culture d’alliance et de coopération. Toutes nos parties prenantes s’impliquent en bonne intelligence : collectivités locales, agriculteurs, partenaires financiers. Nous travaillons tous avec le même objectif : permettre aux éleveurs Peuls de la zone sahélienne, qui représentent plus de la moitié de la population, de vivre de ce qu’ils font. C’est fondamental pour la stabilité de la région.

Quelles sont les prochaines étapes pour la Laiterie et Kossam ?

Kossam a reçu une subvention de 5 millions de dollars de la Fondation Mastercard. Elle contribuera à accélérer l’activité de la Laiterie et de Kossam et à générer plus de 5 000 emplois dans la filière lait au Sénégal. Cette subvention permettra également d’augmenter la collecte du lait à 4000 tonnes et de valoriser la restructuration du système de collecte.

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Banquiers Solidaires : Découvrez le témoignage en vidéo d’Haoly Basse, Banquière solidaire de Crédit Agricole CIB, partie accompagner Kossam dans le déploiement d’une application digitale.

Le digital et le secteur de la microfinance face à la crise sanitaire

Par Fondation Grameen Crédit Agricole

Karel Prinsloo

La mise en place d’un observatoire dédié au suivi des effets de la crise sanitaire en relation avec 80 institutions de microfinance (IMF) et entreprises de social business partenaires dans une quarantaine de pays émergents nous permet de collecter régulièrement des informations pour les partager et en tirer les meilleurs enseignements.

Cette semaine nous avons plus particulièrement suivi la façon dont les institutions de microfinance utilisaient les canaux digitaux pour pallier à leur difficulté de contact direct avec les emprunteurs qui ont lieu traditionnellement soit en agence, soit lors des réunions de groupe ou bien encore, lors des décaissements de fonds (la microfinance utilise très majoritairement des espèces lors de la remise des sommes empruntées) ou du suivi des projets financés.

Dans notre enquête menée début avril, 68% des institutions de microfinance partenaires indiquent avoir accru l’utilisation des canaux digitaux pour pallier aux difficultés de contact, en conséquence des mesures de confinement ou d’interdiction de réunions de groupe. Cette croissance forte des usages que l’on observe dans le secteur de la finance traditionnelle s’observe donc également dans le secteur de la microfinance dont l’industrie s’adapte à marche forcée.

Les moyens technologiques et les processus incluant des outils digitaux sont en train d’être rapidement développés par des Institutions de toutes tailles (les plus petites ayant des tailles de portefeuille clients inférieures à 10 millions de $, les plus grandes dépassant très largement les 100 millions de $). Depuis le début de la crise, les institutions produisent des plans de continuité d’activité, base de nouvelles discussions et d’échanges avec leurs bailleurs de fonds, dans lesquels elles y incluent très fréquemment des nouveaux usages digitaux.

Pour la plupart des Institutions, la première étape est celle de la sensibilisation des clients à la possibilité d’utiliser des moyens de paiement à distance. Cette étape est mise en œuvre par l’intermédiaire de messages SMS (particulièrement adaptés pour des couvertures réseau en 2G) mais également par les réseaux sociaux, lorsque le réseau téléphonique le permet.

« [Nous] encourageons les clients par SMS à utiliser les plateformes d’argent mobile pour les remboursements car c’est le mode le plus sûr pour le moment » – IMF en Ouganda

« [Nous] commençons à informer les clients par les médias sociaux et les SMS sur la possibilité de remboursement via les terminaux, les portefeuilles mobiles et les services bancaires par Internet » – IMF au Tadjikistan

Pour les nombreuses IMF qui ne l’avaient pas encore dans leur gamme de services, le premier processus qui a été rapidement développé au début de cette crise sanitaire est celui du paiement des échéances par monnaie électronique. Cette pratique de paiements à distance est encouragée par de nombreux régulateurs, c’est notamment le cas de la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) pour les pays sous son autorité ou de la Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) qui a décidé la réduction des frais de transfert et d’utilisation de cette forme de monnaie. Cette mise en place de paiement à distance est accompagnée d’envois massifs de messages d’information à destination des clients pour leur expliquer ces nouvelles modalités.

« Nous envoyons de nombreux SMS à nos clients pour leur rappeler comment utiliser le code de l’argent mobile pour effectuer leurs remboursements de prêt ainsi que la hotline qu’ils peuvent appeler pour obtenir de l’aide ou se plaindre » – IMF en Ouganda

Ces services à distance permettent aux clients de payer leurs échéances sans avoir à se déplacer (et donc à utiliser les transports en commun) en utilisant le réseau des kiosques de paiement des opérateurs téléphoniques généralement dense et présents y compris en zones rurales.

La mise en place de ces moyens de paiement autorise également, désormais, le décaissement de prêts sur les portefeuilles électroniques des clients, ceux-ci se déplaçant dans ces mêmes kiosques non pas pour payer leurs échéances mais pour obtenir le décaissement en espèces de leurs microcrédits. En période de confinement, l’utilisation de la monnaie électronique permet donc de poursuivre l’activité de financement.

« L’Autorité monétaire palestinienne exhorte les Institutions de microfinance à octroyer des prêts à taux d’intérêt réduits pour financer des projets générateurs de revenus par le biais des canaux digitaux » – IMF en Palestine

Pourtant, de façon étonnante, cette crise est vécue par certaines institutions comme une véritable opportunité d’accélérer la mise en place de plateformes digitales et le lancement de nouveaux services pour gagner en optimisation opérationnelle voire même en excellence relationnelle. Pour les dirigeants des Institutions partenaires, devoir investir dans les outils digitaux pour des raisons aujourd’hui « vitales » pour leurs institutions leur semble être un moyen d’accélérer des plans d’investissement auxquels ils songeaient avant la survenance de la crise. Elle leur permet ainsi d’engager sans attendre la modernisation de leur modèle de distribution et de leur processus, ce qui n’a pas manqué de nous étonner très favorablement bien que nous connaissions la vitalité et la capacité d’innovation de nos partenaires.

« Cela avait été envisagé avant le problème du COVID […]. Cependant, des discussions sont maintenant en cours concernant la possibilité de lancer [la solution de paiement mobile] accessible à tous les clients » – IMF au Sri Lanka

« Dans des moments comme celui-ci, où tout peut être considéré comme un vecteur de transmission du virus, il est prudent de diminuer la manipulation des espèces. [Nous] avons donc profité de cette crise pour améliorer [notre plate-forme digitale] afin de détecter les lacunes et de réduire les failles de notre système » – IMF au Ghana

Les économies de certains pays qui étaient déjà fortement digitalisées, comme en Afrique de l’Est par exemple, semblent offrir une plus grande résilience aux effets de la crise. Les institutions de microfinance opérant dans ces zones affichent en effet une agilité d’adaptation remarquable. A titre d’exemple, l’économie kenyane, particulièrement ouverte aux opérations de paiement, de financement et d’investissement par le biais de porte-monnaie électroniques fonctionne selon des usages à distance qui minimise les risques de propagation du virus.

« Le Kenya est mieux préparé que les autres pays en raison de la forte pénétration de l’argent mobile. Le concept est largement utilisé par la population » – IMF au Kenya

De nombreuses institutions nous disent qu’elles seront plus structurées et plus efficaces au lendemain de cette crise. Ces expériences, quelquefois vitales pour poursuivre leur activité, leur paraissent très utiles pour envisager des gains de performance opérationnelle dans le futur.

« Notre équipe a adapté notre application mobile pour ajouter une fonctionnalité permettant de demander à distance la restructuration d’un prêt. […] Nous avons introduit un nouveau critère dans notre outil de surveillance – «urgence (coronavirus)», ce qui signifie que les agents de crédit devront surveiller leurs clients à distance, obtenir des informations et saisir des données de surveillance dans le logiciel » – IMF au Kazakhstan

« Notre nouvelle stratégie se concentre sur la transformation de [notre] mode de fonctionnement actuel pour adopter davantage de solutions numériques, réduire le besoin d’interactions physiques entre les employés et les clients et remplacer les transactions en espèces par des fonctionnalités de paiement mobile » – IMF en Géorgie

Ces effets positifs de la digitalisation obtenus grâce à des évolutions menées à marche forcée par les institutions de microfinance se retrouvent également dans les entreprises sociales de notre portefeuille de participations. La digitalisation des processus opérationnels est un moyen de lutter très efficacement contre les contraintes du confinement pour ses entreprises qui ont à traiter directement avec le public ou avec des fournisseurs de matières premières. C’est le cas par exemple d’une entreprise sénégalaise qui, grâce au paiement digital, voit ses activités de collecte de lait et de vente de produits laitiers se poursuivre et générer une croissance qui dépasse les prévisions.

Pour une autre entreprise sociale, spécialisée dans le traitement de l’eau potable, la crise sanitaire a également conduit au développement de livraison d’eau à domicile consécutivement à une commande en ligne.

Nos partenaires sont conscients que le recours aux solutions digitales n’est pas une solution globale pour répondre à toutes les questions soulevées par cette crise systémique. Ils s’attendent en effet à ce que leurs clients et leurs opérations rencontrent des problèmes de relance économique auquel le digital ne pourra être que d’une aide parfaitement relative. Malgré l’usage de plus en plus intensif des canaux digitaux, l’activité commerciale des Institutions de microfinance ralentit. Elles se concentrent toutes sur l’accompagnement de leurs clientèles en prenant soin de faire face, tout en conservant une maitrise du risque et une bonne qualité opérationnelle, aux demandes de reports d’échéances de plus en plus nombreuses.

Dans certaines zones, les autorités de tutelle ont émis des directives ou de fortes recommandations pour que les IMF octroient des moratoires à leurs clients pouvant durer plusieurs mois ce qui imposent une activité très importante aux institutions.

Pour autant, dans la majorité des témoignages que nous avons recueillis, la crise sanitaire est perçue comme une séquence qui impose aux différents Comités de direction de nos partenaires une réflexion profonde sur leur performance opérationnelle sous contrainte. Les expériences vécues et les solutions trouvées pour faire face à la crise sanitaire seront très utiles pour « le jour d’après », nos partenaires en sont persuadés.

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Un partenariat entre la Fondation et CA Roumanie pour soutenir la microfinance

©Philippe Lissac

La Fondation Grameen Crédit Agricole et Crédit Agricole Roumanie ont signé un partenariat pour soutenir des institutions de microfinance roumaines qui servent les personnes exclues du système bancaire classique.

Grâce à ce partenariat, CA Romania financera les institutions de microfinance du pays. La Fondation Grameen Crédit Agricole apportera son expertise dans le secteur de la microfinance et garantira les prêts accordés par CA Romania. Ce schéma de coopération permettra de démultiplier l’impact de la Fondation et de consolider l’action de CA Romania dans les domaines de l’entrepreneuriat et du développement social.

« Après l’Egypte, l’Inde et le Maroc, nous mettons en place un nouvel accord de coopération avec une entité du Groupe, Crédit Agricole Roumanie. Ce partenariat s’inscrit parfaitement dans le cadre du projet de Groupe qui intègre la dimension sociétale, en l’occurrence l’accompagnement des personnes à faibles revenus, au cœur des activités de développement » affirme Eric Campos, Délégué général de la Fondation et Directeur de la RSE de Crédit Agricole S.A.

Avec ce partenariat, la Fondation renforce son positionnement comme l’un des acteurs de référence du secteur dans la région, tout en soudant ses liens avec les différentes entités du Groupe.

« Notre objectif sur le marché roumain est de renforcer notre présence en matière de financement du secteur agricole et de contribuer au développement économique et social en tirant profit de l’expertise de notre groupe. Ce partenariat est un formidable support pour atteindre ces objectifs », indique Luc Beiso, Directeur général de CA Roumanie.

La première institution de microfinance bénéficiaire est Vitas Romania, qui a reçu un prêt de 1,5 million d’euros, garanti à hauteur de 100 % par la Fondation. Créée en 1996 par l’ONG américaine CHF International, Vitas offre des produits et services financiers pour soutenir le développement d’activités génératrices de revenus. L’institution compte 1 772 emprunteurs actifs, dont 45% sont des femmes et 45% vivent en milieu rural. Elle gère un portefeuille de 14,1 millions d’euros et intervient dans l’ouest de la Roumanie à travers un réseau de 9 succursales, son siège social étant situé à Timisoara.

Les institutions de microfinance anticipent les premiers effets d’une récession

Par Fondation Grameen Credit Agricole

La crise commence à produire ses effets économiques

Quelques jours après notre dernière publication, l’impact du coronavirus continue de s’étendre et de s’intensifier. Le cap du million de contaminés dans le monde a été dépassé et de nouveaux foyers de l’épidémie se confirment.

La Fondation Grameen Crédit Agricole, en lien permanent avec son réseau de près de 80 institutions de microfinance (IMF) partenaires présentes dans 40 pays, continue son travail de collecte d’informations, d’analyse et de partage de ses observations. Au cours de ces derniers jours, nous avons centré notre suivi sur les conséquences de la crise et le travail des IMF pour y faire face.  Ces informations sont très importantes. Elles nous permettent, à notre niveau, de prendre les décisions les plus pertinentes pour la gestion de la Fondation, pour l’accompagnement de nos partenaires et l’efficacité de notre action au plus près de leurs difficultés et anticipations. Elles contribuent également au partage d’informations entre les acteurs de ce secteur qui s’organisent collectivement, dans ces moments de crise.

Les résultats que nous avons obtenus confirment les tendances pressenties dans les informations remontées lors des premières semaines : la crise est très dure, au-delà sans aucun doute de nos premières prévisions de début mars, mais la résistance s’organise. L’effet de la crise sanitaire est systémique. Aucun modèle de stress ne l’avait anticipé. La réponse devra être donc être systémique, elle aussi, si nous voulons éviter une défaillance majeure de cette industrie.

Les petites activités de proximité entrent en récession

78% de nos partenaires constatent les premiers effets de la récession économique sur leurs zones d’activité.

Dans les premiers retours que nous recevions, les zones rurales semblaient échapper aux premiers effets de la crise, surtout dans les zones de production vivrière. Désormais, quelle que soit la taille des institutions (les plus petites ont un portefeuille de financement inférieur à 10 millions de dollars, et supérieur à 100 millions de dollars pour les plus importantes) et leur situation géographique, elles sont toutes, peu ou prou, confrontées à des problèmes similaires : l’impossibilité de déplacement (74%), la baisse des décaissements aux emprunteurs (77%), l’interdiction des réunions de groupe (63%) sont les raisons les plus citées par nos partenaires concernant les causes de ralentissement de leur activité.

« Comme indiqué lors de la première analyse, l’impact direct prévu (jusqu’à 6 mois) est la possible détérioration de la qualité du portefeuille dans les secteurs du tourisme, des transports et de l’hôtellerie, ainsi que celle des prêts financés par les transferts de fonds depuis l’étranger. Un impact à moyen terme est également attendu en raison du ralentissement général de l’économie et de la réduction de la clientèle solvable. » – Partenaire en Géorgie

Plus du tiers de nos partenaires subit des confinements quasi-totaux (36%) et les autres s’adaptent à des mesures contraignantes de pré-confinement.

« [Nos] activités ont été fortement affectées jusqu’à présent, les entreprises des clients étant principalement touchées par les craintes générales du public et plus directement par les directives strictes mises en place par le gouvernement pour tenter de contrôler la propagation du virus. Il est également anticipé qu’il y aura une augmentation du coût de la vie […]. Les importations diminuent, les coûts de production augmentent. Il est probable que le PIB du Kenya chute et que l’inflation augmente, ce qui affectera l’économie du pays. » – Partenaire au Kenya

« Nous constatons que le gouvernement prend de plus en plus de mesures pour limiter les déplacements et les activités commerciales. Par exemple, un gouvernement régional a précisé que toutes les activités de microfinance dans la région devaient être suspendues pendant le mois d’avril. Nous recevons des demandes similaires de la part des autorités des villages d’autres régions. » – Partenaire en Birmanie

Des effets qui impactent désormais les comptes des institutions

Ces difficultés commencent à se traduire dans les chiffres des IMF. Ainsi, 74% des institutions expliquent avoir noté une hausse de leur portefeuille à risque (PAR 1) par rapport à la fin de l’année 2019. Cette augmentation est pour l’instant contenue à moins de 10% en valeur absolue pour 8 institutions sur 10.

Les institutions accélèrent clairement l’usage du digital et l’intensifient afin de compenser l’impossibilité des équipes commerciales de se déplacer et d’organiser des décaissements en main propre. Ainsi, 68% des sondés déclarent avoir recours à une utilisation plus importante des services digitaux pour réaliser leurs activités à distance.

Les opérations de restructuration des prêts ont déjà commencé pour près d’une IMF sur deux (43%). L’intervention annoncée des régulateurs et législateurs dans le secteur financier se confirme : près de la moitié des sondés (44%) sont incités à proposer pro-activement des moratoires et des restructurations au profit de leurs emprunteurs (les pays qui ont imposé ces mesures sont, notamment, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Sri Lanka, le Cambodge, l’Inde, l’Ouganda, le Burkina Faso, le Rwanda, le Sénégal, la RDC, l’Egypte, le Maroc et de nombreux pays d’Europe de l’est). De nouvelles initiatives commencent également à être envisagées, comme la mise en place de produits d’urgence (de type minimum vital) dans les mois à venir.

Les institutions mettent en place des plans de crise

Cette crise systémique engage une revue en profondeur des planifications d’activité des IMF et des besoins de financement. A l’examen, la hausse des reports d’échéance accordés aux emprunteurs ne se traduit pas encore, de façon significative, par des besoins en ressources financières additionnelles pour les IMF interrogées. Ainsi au moment de l’enquête, 48% d’entre elles ne percevaient pas encore de changements dans leurs besoins de liquidités par rapport aux projections faites pour l’année, et un tiers envisageait même une baisse de leurs besoins en raison d’une baisse significative de leur activité.

A ce stade, seule une IMF sur cinq (19%) anticipe une hausse de ses besoins financiers, liée à l’augmentation du prix des intrants (semences, engrais, matières premières…) qui déclenchera une hausse des besoins financiers de la part des emprunteurs, principalement dans les zones rurales de nos territoires d’intervention. Les grands réseaux internationaux de microfinance sont à l’origine de cette analyse prospective.

« En plus de la crise du Covid-19, le Kazakhstan a été touché par la forte baisse des prix du pétrole qui a affaibli la monnaie nationale de 380 tenges à 445 pour un dollar » – Partenaire au Kazakhstan

Les réponses de nos partenaires font apparaitre d’autres facteurs d’inquiétude désormais, notamment dans leur capacité à financer leur activité: un quart d’entre eux prévoient une perte de valeur de leur monnaie locale face au dollar (26%) et une augmentation conséquente des couvertures de change dans leurs financements à venir (23%). Une IMF sur cinq constate d’ores et déjà des difficultés de financement rencontrées avec leurs bailleurs de fonds habituels.

Pour pouvoir piloter au plus près la montée des risques et des évolutions de financement, plus de la moitié des Institutions IMF (55%) déclarent avoir finalisé, ou être en passe de le faire, un Plan de Continuité d’Activités incluant un suivi précis de la liquidité. Cette réactivité est remarquable et de tels plans sont un élément essentiel pour aider les IMF à faire face et gérer les conséquences de la crise.

Notre analyse nous amène à constater une apparente corrélation dans la qualité des Plans de Continuité d’Activité suite à la crise du Coronavirus et l’expérience passée d’une crise forte ayant déjà affecté l’IMF. Les enseignements tirés des crises passées semblent ainsi jouer un très grand rôle dans la capacité de résilience des institutions face à une crise, qu’elle soit financière, politique, sanitaire… Pour autant, bon nombre d’institutions moins expérimentées en la matière montrent également une volonté d’innovation et une capacité d’anticipation remarquables.

Les bailleurs de fonds ont également réagi très rapidement. Forts eux aussi des enseignements de crises passées, ils font montre, depuis quelques semaines, d’une capacité d’intervention et d’anticipation remarquable dans un secteur d’activité encore jeune, malgré tout. Ainsi, dans toutes les régions du monde les prêteurs internationaux, des Fondations, fonds d’investissement, banques locales, travaillent autour de plans d’actions communs. De multiples réunions s’organisent, un peu partout dans le monde, pour anticiper la crise et veiller à en absorber les effets qui seraient dévastateurs sans cette prise de conscience et cet engagement rapide et déterminé ; tous s’accordent sur la nécessité d’un partage d’information et d’une coordination efficaces entre les différents acteurs. Les bailleurs organisent leur action autour de réponses adaptées aux besoins en financement des IMF impactées par la crise, mais également en proposant des outils de suivi, des plans d’assistance technique ou des formations pour renforcer les capacités des équipes des IMF face à cette situation aussi soudaine qu’exceptionnelle.

Tous ces éléments rappellent à quel point cette crise est l’affaire de tous les acteurs de la microfinance. L’implication et la rigueur des institutions locales, la coordination des réseaux internationaux, le soutien des bailleurs de fonds publics ou privés et la confiance des investisseurs seront les valeurs clés de notre capacité collective à remporter le défi de ce tsunami sanitaire.

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ADA publie un guide pour pour assurer la continuité des IMF pendant la crise

© Didier Gentilhomme

La crise sanitaire et économique générée par le Covid-19 affecte fortement les institutions de microfinance et leurs clients. Pour soutenir le secteur de la microfinance dans ce contexte si particulier, l’ONG ADA poursuit sa mission de promouvoir l’inclusion pour tous en mettant en profit son savoir et son expertise en gestion des risques avec un guide de bonnes pratiques pour la continuité des institutions de microfinance.

Disponible en français, anglais et espagnol, ce guide propose des recommandations aux institutions de microfinance pour organiser une gestion de crise et assurer une continuité de leur activité.

Le document est téléchargeable sur le site de ADA, dans une page exclusivement dédié à la gestion de la crise du Covid-19, un espace qui propose des articles de partenaires, des guidelines, des témoignages et vidéos afin d’offrir un lieu d’échanges et de partage d’expériences entre les professionnels du secteur.

Ce guide décrit certains points d’attention pour l’analyse et les mesures à prendre pour organiser une gestion de crise appropriée et assurer la continuité des activités face à la pandémie COVID-19.

Pour y accéder, cliquez ici.

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[INTERVIEW] “La vie doit continuer, il ne faut pas perdre l’espoir”

Interview de Dara Huot, Directeur, Phare Performing Social Enterprise

©Philippe Lissac

Le CambodgeMag a interviewé Dara Huot, Directeur de Phare « Performing Social Enterprise », partenaire de la Fondation Grameen Crédit Agricole. Il fait part de ses inquiétudes et espoirs concernant l’entreprise sociale du cirque Phare.

Depuis le 17 mars, les représentations du cirque Phare, l’une des principales attractions de Siem Reap, mais aussi de Battambang, ont été suspendues…

Oui, il s’agissait pour nous d’appliquer une décision gouvernementale prise à l’encontre des salles de spectacles. Avant cela, nous avions mis en œuvre toutes les mesures nécessaires pour désinfecter les locaux entre chaque performance et respecter les distances entre les spectateurs. La température était contrôlée pour chaque personne entrant dans le chapiteau, et des distributeurs de solution hydroalcoolique étaient disposés un peu partout. Mais de toute façon, le nombre de spectateurs se réduisait peu à peu. Le décret gouvernemental n’a fait que précipiter une fermeture qui aurait été inéluctable.

Comment le personnel a-t-il réagi à cette fermeture ?

Phare est une très grosse entreprise sociale, divisée entre Siem Reap et Battambang. Ici, nous avons 40 artistes et 70 employés. L’école de Battambang, qui propose des formations au cirque, mais aussi à l’animation graphique, à la danse, la peinture ou encore au théâtre, compte 110 professeurs pour 1 200 élèves. Lorsque la fermeture a été décidée, nous en avons profité pour reprendre notre liste de « choses à faire », vous savez, tous ces petits trucs qui s’accumulent au fil du temps et que nous réservons généralement pour la saison creuse.

Nous avons tout nettoyé, refait les peintures, effectué tous les travaux de maintenance… Et puis, lorsque nous avons fini tout ça, chacun est rentré chez soi. La grande majorité du personnel vient de Battambang, beaucoup ont donc rejoint leur famille là-bas. Tous les artistes continuent à s’entraîner d’arrache-pied, pour la reprise des spectacles, mais aussi pour les prochaines tournées. Certaines ont été annulées, mais nous espérons pouvoir effectuer celle prévue en France pour cet hiver.

Les salaires continuent-ils d’être versés ?

L’intégralité des salaires a été versée durant tout le mois de mars. À partir d’avril, ces derniers ont diminués de 50 %, et il en sera ainsi pour les mois suivants. Il est impensable de laisser nos employés sans aucun revenu, et nous n’hésitons pas à puiser dans notre trésorerie pour cela. Mais combien de temps pourra-t-on encore continuer ainsi ? Au bout de 3 ou 4 mois, les caisses seront vides… D’autant plus qu’il nous faut continuer à payer tous nos loyers.

Vos employés bénéficient-ils d’un soutien de la part des institutions ?

Non, ce n’est pas comme en France, où des indemnités sont accordées aux personnes qui se retrouvent sans emploi. Rien n’est prévu pour eux ici, et la situation est d’autant plus dure que nombre d’employés ont contracté des dettes auprès des banques et des organismes de microfinance. Les intérêts qu’ils doivent rembourser chaque mois sont très élevés, et je ne vois pas comment ils vont pouvoir s’en sortir. Le seul espoir serait un assouplissement, de la part de ces organismes, des modalités de remboursement. En réduisant peut-être les taux d’intérêt, en espaçant les échéances ou, pourquoi pas, en les suspendant le temps que les choses reviennent à la normale. Un moratoire sur les loyers pourrait aussi permettre à de nombreux Cambodgiens de voir passer la crise. Dans l’état actuel des choses, rembourser un crédit, payer un loyer et subvenir aux besoins de sa famille lorsque l’on a un salaire réduit ou, pire, lorsque l’on se retrouve au chômage va poser de grands problèmes à toute une partie de la population.

En quoi cette crise va-t-elle changer Siem Reap ?

Depuis l’ouverture de la ville au tourisme de masse, c’est-à-dire une vingtaine d’années, le nombre de visiteurs n’a fait que croître de manière exponentielle. Les infrastructures, elles, n’ont pas forcément suivi. L’environnement a beaucoup souffert de la hausse de fréquentation, les déchets ne sont pas toujours bien gérés, l’accès à l’eau et sa qualité posent encore problème dans certains quartiers. Les besoins en électricité ont augmenté, mais les coupures restent nombreuses. Pourquoi ne pas profiter de cette « pause » involontaire pour se renouveler, se remettre en question et, ainsi, embellir la cité ? Il faut rester positif, essayer de voir ce que nous pourrons tirer de cette épreuve. La vie doit se poursuivre, il ne faut pas perdre espoir, et continuer à être positif malgré les circonstances. Nous devons plus que jamais prendre soin de nous et de nos proches, et rester forts. C’est important pour soi, mais aussi pour celles et ceux qui nous entourent. Tout le monde espère que cette pandémie durera le moins longtemps possible. 2019 aura été une année difficile, et 2020 sera encore bien pire. Mais nous nous en sortirons, et reviendrons, je le souhaite, endurcis par cette épreuve. Même s’il sera, bien entendu, très difficile de remonter la pente.