Newsletter #38 : La résilience de la microfinance face à la crise Covid-19

©FGCA/Godong

La Fondation Grameen Crédit Agricole publie sa Newsletter #38 qui met en avant l’impact de la Covid-19 et les actions de la Fondation et les organisations soutenues pour y faire face. 2020 a marqué le monde d’une crise sans précédent, mais ce qui restera aussi au terme de cette année historique, c’est la résilience du secteur de la finance inclusive.

Des signaux de cette résilience sont présentés dans les résultats de la 5e enquête réalisée depuis le début de la pandémie par la Fondation, ADA et Inpulse auprès des institutions de microfinance financées pour connaître l’impact de la crise sur leur activité et leur apporter les réponses les mieux adaptées. Une très grande majorité des institutions soutenues envisagent une croissance de leur activité en 2021, en termes du volume du portefeuille et du nombre de clients.

La Fondation a également lancé une Coalition internationale pour agir en concertation avec d’autres acteurs du secteur et mieux accompagner les organisations soutenues tant financièrement qu’au travers de missions d’assistance technique dans cette période de crise. Dans ce numéro de la Newsletter vous découvrirez le témoignage d’OXUS Kirghizstan, une institution de microfinance qui a bénéficié du soutien additionnel de la Fondation dans le cadre de la Coalition.

Nous partageons également le témoignage de Daniel Hoarau, Responsable IT de Crédit Agricole de La Réunion, parti soutenir une institution de microfinance en Bosnie-Herzégovine dans le cadre d’une mission Banquiers Solidaires, un programme de volontariat de compétences ouvert à tous les collaborateurs du groupe Crédit Agricole en faveur des organisations financées par la Fondation.

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Ugafode et l’inclusion financière des réfugiés

Soutenue par la Fondation Grameen Crédit Agricole depuis 2015, UGAFODE Microfinance Limited est une institution de microfinance qui offre des services financiers et non financiers inclusifs aux populations à faibles revenus mais économiquement actives en Ouganda. UGAFODE est l’une des trois organisations soutenues par un programme lancé par la Fondation, l’Agence suédoise de coopération internationale au développement (Sida) et l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés afin de soutenir l’inclusion financière des réfugiés. Grâce à ce soutien financier et technique, UGAFODE a ouvert une antenne dans le camp de réfugiés de Nakivale en Ouganda. Coup de projecteur sur une interview de Shafi Nambobi, Directeur exécutif d’UGAFODE.

1. En quelques mots, qu’est-ce qu’UGAFODE Microfinance Limited ?

UGAFODE Microfinance Limited a débuté en 1994 en tant qu’ONG spécialisée dans le crédit de groupe pour les femmes et s’est depuis transformée en une institution de dépôt de microfinance réglementée par la Banque d’Ouganda. L’institution cible spécifiquement les populations à faibles revenus mais économiquement actives du pays, par le biais de 7 agences urbaines et 12 agences rurales, au service de plus de 110 000 clients d’épargne et 8 000 clients de crédit. Elle offre une gamme de services financiers comprenant l’épargne, les prêts et les services de transfert d’argent avec un portefeuille de prêts de 12,1 millions d’euros et un volume d’épargne de 6 millions d’euros.

2. UGAFODE a reçu un soutien financier novateur de la Fondation Grameen Crédit Agricole, de l’Agence suédoise de coopération internationale au développement (Sida) et de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés en 2019, lorsqu’elle a été sélectionnée comme bénéficiaire d’un programme de soutien à l’inclusion financière des réfugiés. Pouvez-vous nous expliquer cette initiative et le soutien dont UGAFODE a bénéficié ?

La plupart des réfugiés ont été victimes de discrimination et se sont vus refuser des facilités de crédit par les institutions financières car ils sont considérés comme trop risqués, bien qu’ils soient engagés dans l’agriculture et le commerce de détail. En mars 2020, UGAFODE a été la première institution de services financiers à créer une antenne dans un camp de réfugiés en Ouganda grâce à ce programme. Le camp de réfugiés de Nakivale est le 8e plus grand camp au monde, accueillant plus de 134 000 réfugiés de 13 pays. Le budget total du projet est de 536 780 euros, dont 396 882 euros proviennent de Sida et 139 810 euros d’UGAFODE en trois ans. En outre, la Fondation a également accordé un nouveau prêt de 540 000 euros en juillet 2020, dont 50% seront utilisés dans le cadre du programme pour les réfugiés, afin d’octroyer des prêts aux réfugiés et aux populations d’accueil.

3. Quels sont les premiers résultats du projet ?

Le projet a déjà commencé à faire ses preuves. Depuis l’ouverture de l’agence de la Nakivale, 505 prêts d’un montant total de 383 596 euros ont été déboursés entre le 2 mars 2020 et le 31 décembre 2020, principalement pour soutenir les petites et moyennes entreprises et les prêts individuels à l’agriculture. Il est important de noter que tout cela a été réalisé dans le contexte de la crise du Covid-19. Le portefeuille à risque (PAR) est à 1,65% pour 1 jour et à 0% pour 30 jours, ce qui est à la fois considérable et bienvenu. Par ailleurs, nous avons sensibilisé plus de 5 000 réfugiés aux questions financières et 2 534 clients ont ouvert des comptes d’épargne pour un montant total de 65 112  euros. Au total, 5 301 réfugiés ont reçu 776 345 euros grâce aux services de transfert d’argent d’amis et de parents de l’agence de Nakivale au cours des neuf mois qui ont suivi l’ouverture de l’agence. Nous employons actuellement 21 personnes, dont 8 réfugiés à Nakivale et 4 au centre d’appel de Kampala, pour gérer les plaintes des clients dans les principales langues des réfugiés.

4. Comment la pandémie Covid-19 a-t-elle affecté le projet ? Quelles mesures ont été prises pour faire face à la crise ?

La mise en œuvre et l’ouverture du projet ont eu lieu au début de la crise Covid-19. Comme le gouvernement a rendu les services financiers essentiels, la succursale de Nakivale a pu offrir les services nécessaires aux clients de l’établissement sur une note très positive. UGAFODE a pu ajuster ses politiques et procédures afin de servir les réfugiés dans le respect des directives réglementaires. Nous avons recruté du personnel pour les réfugiés au centre d’appel afin de fournir des conseils et des informations aux clients. Nous avons également construit une extension de l’agence afin de disposer d’un espace suffisant pour assurer la sécurité du personnel et des clients. En outre, nous avons accordé des options de rééchelonnement aux clients avec des prêts pour les soutenir en cette période de crise. La Fondation Grameen Crédit Agricole et KIVA nous ont également soutenus pour faire face à la crise. La Fondation nous a accordé des crédits budgétaires flexibles au sein de lignes principales pour faire face aux incertitudes de la crise. La Direction fonctionne selon les procédures opérationnelles standard Covid-19 (Standard Operating Procedures) instituées par le Ministère de la Santé et le Gouvernement. Nous pourrons également acheter 3 motos supplémentaires pour permettre au personnel de l’agence de rejoindre plus de clients, facilement et plus rapidement.

5. Quelles sont maintenant les priorités du projet ?

Il y a trois priorités :

  1. Intensifier les formations d’éducation financière pour sensibiliser au moins 8 800 réfugiés et 8 000 communautés d’accueil la deuxième année et 15 500 réfugiés et 14 000 communautés d’accueil la dernière année du projet.
  2. Mener une enquête auprès des clients pour faciliter la prise de décisions éclairées et développer des produits adaptés aux réfugiés.
  3. Déployer le modèle du projet dans d’autres établissements. Après Nakivale, le projet sera reproduit au plus tôt dans d’autres camps de réfugiés. Les premières études de faisabilité ont été menées pour les camps de réfugiés de Kyaka, Kyangwali et Rwamwanja.

 

OXUS Kirghizstan et ses six commandements pour la crise Covid-19

Entretien avec Denis Khomyakov, DG, OXUS Kirghizstan

Depuis le début de la crise Covid-19, la Fondation Grameen Crédit Agricole a travaillé sur plusieurs initiatives pour mieux soutenir le secteur de la microfinance. OXUS Kirghizstan est l’une des institutions de microfinance qui a bénéficié de la réponse de la Fondation à la crise. Cinq questions à Denis Khomyakov, Directeur général de OXUS Kirghizstan (OKG).
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La crise Covid-19 a impacté fortement l’économie en Kirghizstan et votre organisation. Quelles mesures avez-vous adoptées pour y faire face ?

La crise a frappé de plein fouet l’économie et le système de santé du Kirghizstan. Avec la fermeture des frontières et les confinements, l’industrie et l’agriculture ont décliné et les services de transports se sont effondrés. Même si de nouvelles activités sont apparues (comme les services de livraison), la Covid-19 a impacté l’économie du pays et par extension nos clients et notre activité.

Dans ce contexte, nous étions bien préparés chez OKG. Dès février, nous avons d’abord protégé notre personnel par du télétravail ou du chômage partiel au 2/3 du salaire, ce qui a impliqué la digitalisation de nos activités. En mai, nous avons adopté le travail présentiel et à distance grâce aux mesures anti-Covid prévues dans le plan de continuité des activités (PCA) Covid-19, qui a vite été opérationnel.

Nous nous sommes toujours assurés de bien communiquer. Pour cela, nous avons d’abord créé un Comité Covid-19 composé de membres de différents départements et moi pour structurer la communication et définir des mesures opérationnelles. Plusieurs actions ont été entreprises : nous avons organisé la communication avec les agences et les clients, établi la restructuration des prêts et le soutien aux clients et décidé de négocier avec les prêteurs pour obtenir un délai de grâce sur les remboursements. Nous avons également échangé régulièrement avec différentes parties prenantes : la gouvernance qui nous a guidé et conseillé, les prêteurs qui se sont coordonnés pour assurer la continuité de nos activités et la Banque nationale qui nous a fourni des éclaircissements sur les possibilités de restructurations et exonérations.

Quel a été le soutien de la Fondation pour renforcer la réponse d’OKG ?

Les enquêtes Covid-19 menées par la Fondation ont été bien organisées et se sont toujours déroulées au bon moment. L’Observatoire Covid-19 lancé par la Fondation, où les résultats des enquêtes et d’autres articles utiles sont publiés, nous a été précieux pour évaluer notre situation et notre position dans la région. La Fondation a également conduit le groupe de prêteurs d’OKG à appliquer les mesures de restructuration et les extensions coordonnées ; sous l’impulsion de la Fondation, avec le suivi régulier de Julie Serret, Chargée d’investissement de la Fondation, nous avons agi immédiatement pour se préparer au pire des scénarios et avons convenus des conditions avec les prêteurs tous ensemble.

Quelles ont été les principales mesures mises en œuvre par ce groupe de prêteurs ?

Le groupe de prêteurs a décidé de reconduire tous les versements payables entre mai et décembre 2020 pendant 12 mois. Les prêteurs ont également simplifié le reporting en collectant des informations via un document commun, ce qui nous a donné plus de temps pour nous concentrer sur d’autres questions. Ils nous ont également fourni des outils pour créer un PCA, pour relancer l’activité tout en protégeant le personnel. Résultat : nous ne nous sommes pas vraiment préoccupés de la situation de liquidité. Nous avons pu payer les salaires et avantages de notre personnel sans retard.

Quelles leçons tirez-vous de cette période pour l’évolution de la microfinance ?

Voici mes six commandements :

  1. Anticipez. Toute entreprise doit avoir un plan de continuité des activités (PCA) pour ce genre d’événements. Avoir un plan de reprise après sinistre informatique est très utile –cela nous a beaucoup aidé à réagir à la crise et maintenir le système en marche.
  2. Prenez soin du personnel, informez-les de la situation et des mesures décidées.
  3. Prenez des décisions. N’arrivez pas trop tard, mais réfléchissez à deux fois.
  4. Informez les investisseurs et les prêteurs de la situation et fournissez des prévisions (détaillées, même si vous ne connaissez pas l’évolution de la situation) pour les prochains mois.
  5. Communiquez souvent avec votre Conseil d’administration. Sa composition, son expérience vous permettront de traverser tout type de crise.
  6. Soyez digital. Les canaux numériques sont précieux pour communiquer avec les clients et le personnel. La Covid-19 nous a poussés à penser et à être plus numériques.

Quelles sont les perspectives pour OKG en 2021 ?

L’entreprise poursuit son développement et sa croissance. Nous prévoyons d’ouvrir deux nouvelles agences en zone rurale et de servir les clients à faibles revenus. Nous prévoyons d’introduire des tablettes pour accélérer le déboursement des prêts, mais aussi pour collecter moins de documents papier et être plus respectueux de l’environnement. Nous prévoyons d’ailleurs de développer les prêts verts afin de contribuer à lutter contre la pollution atmosphérique et l’utilisation intensive de l’énergie au Kirghizistan.

D’autres initiatives comme notre travail sur la fidélisation des clients et le projet de soutien aux femmes entrepreneures initié début 2020 ont été ralentis par la crise sanitaire. Nous les reprendrons. Nous resterons une entreprise fiable pour nos clients, ayant une approche zéro exclusion !

La volonté des institutions de microfinance de maintenir leurs activités face à la crise Covid-19

ADA, Inpulse et la Fondation Grameen Crédit Agricole se sont associés pour suivre et analyser les effets de la crise liée au Covid-19 pour leurs institutions de microfinance partenaires dans le monde. Ce suivi a été réalisé périodiquement tout au long de l’année 2020 afin d’avoir une meilleure vision de l’évolution de la situation. Avec cette analyse régulière et approfondie, nous espérons contribuer, à notre niveau, à la construction de stratégies et de solutions adaptées aux besoins de nos partenaires, ainsi qu’à la diffusion et à l’échange d’informations entre les différents acteurs du secteur.

En résumé

Les résultats présentés dans cet article proviennent de la cinquième enquête de la série commune (1) à ADA, Inpulse et la Fondation Grameen Crédit Agricole. Les réponses ont été collectées dans la deuxième moitié du mois de décembre auprès de 74 institutions de microfinance (IMF) situées dans 42 pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale (EAC-28%), d’Afrique subsaharienne (ASS-26%), d’Amérique latine et Caraïbes (ALC-23%), d’Asie du Sud (14%) et du Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA-9%) (2).

Nos derniers travaux confirmaient la reprise progressive de l’activité des IMF dans l’été 2020, pour lesquelles la plupart des difficultés opérationnelles rencontrées dans le cadre de la crise du COVID-19 s’estompaient. Dans le même temps, la contrainte majeure qui subsistait était la difficulté à collecter les remboursements de prêts, et impliquait l’augmentation du portefeuille à risque. Ce dernier point est toujours valable en fin d’année, et ce sont toujours trois quarts des répondants qui constatent une hausse du PAR. A cela s’ajoute la dégradation de la situation épidémiologique dans le monde à l’automne 2020, dont témoignent les réponses rassemblées en Décembre-2020. Les mesures d’endiguement de l’épidémie prises en fonction des contextes locaux peuvent à nouveau avoir des conséquences sur les activités des IMF et de leurs clients, et un retour à la normale n’est pas encore à l’ordre du jour.

Néanmoins, ces nouvelles complications et leurs incidences ne sont pas des éléments nouveaux. Ainsi, elles ne se répercutent que peu dans les indicateurs de risque des IMF. La stabilité de l’augmentation du PAR, mais aussi des niveaux de recouvrement ne traduisent pas de nouvelle aggravation majeure de la situation financière des IMF. Ce relatif équilibre correspond également à l’état d’esprit des IMF pour aborder 2021. En dépit d’un contexte instable et de tous les obstacles qu’il entraîne, la très grande majorité de nos partenaires envisagent une croissance de leur activité en cette nouvelle année, à la fois en termes de volume du portefeuille, mais également du nombre de clients. Cette confiance, que l’on constatait déjà dans les enquêtes menées au cours de l’été, est un nouveau signe de la résilience de ces institutions.

1. Les IMF évoluent toujours dans des conditions instables

Notre dernière enquête, menée en octobre, démontrait une grande amélioration du contexte opérationnel des IMF et témoignait de la reprise progressive de leur activité dans l’ensemble des régions du monde. Cependant, dans une grande partie des pays, même ceux qui semblaient bien gérer la propagation du virus, de nouvelles mesures plus restrictives d’endiguement de l’épidémie ont été prises au dernier trimestre 2020 face à la nouvelle hausse des cas. Cette dégradation est notamment confirmée par nos partenaires en Europe et en Asie, lorsque les IMF en Amérique du Sud et Centrale, Afrique australe ou Afrique du Nord témoignent d’une amélioration de la situation.

La comparaison des réponses de nos 38 partenaires ayant participé aux sondages d’octobre et de décembre (3) dans les paragraphes suivants confirme le constat d’un retour de certaines difficultés pour les IMF, et sont à l’image des résultats généraux obtenus en fin d’année.

Tout d’abord, le virus continue de se propager rapidement dans certaines régions du monde, et les IMF n’en sont pas exemptées. Ainsi, nous pouvons noter une hausse de la part des IMF indiquant que les clients et le personnel ont été infectés par la COVID-19. Ceci se voit dans la baisse de 47% à 32%, (17 à 12 IMF) des IMF dont ni les clients, ni le personnel ne sont atteints par la COVID-19. En octobre, cette catégorie comprenait deux tiers des IMF d’Afrique subsaharienne (10/15) et la grande majorité de celles d’Asie du Sud (5/6). En décembre, la part des IMF d’Afrique subsaharienne est quasi stable (9/15), alors que celles de l’Asie baisse à 50% (3/6). Enfin, la catégorie « plus de 20% du personnel a été infecté » passe de 0% à 13% (5 IMF) sur la période, très majoritairement dans la région Europe et Asie Centrale (4 IMF).

Du côté des contraintes opérationnelles, les résultats sont relativement stables entre les deux périodes. La liste des IMF qui indiquent ne plus faire face à des contraintes opérationnelles reste sensiblement la même (39%), et se concentre en Asie Centrale et Afrique de l’Ouest. Ajoutons que collecter les remboursements de prêts (42% de l’échantillon) et débourser de nouveaux prêts (32%) demeurent les deux principales difficultés rencontrées par les IMF.

La difficulté à entrer en contact avec les clients, à la fois en agence et sur le terrain était considérée comme une conséquence de la crise pour seulement 16% (6 IMF) de cet échantillon en octobre, et ce chiffre est en hausse en décembre (24%, 9 IMF). Dans le détail, il faut noter que la localisation des IMF qui soulignent cette contrainte a évolué au cours des deux derniers mois. Ainsi, elles étaient notamment situées en Amérique Latine et Caraïbes et en Afrique de l’est en Octobre. En décembre, ce point est soulevé par les IMF d’Asie du Sud-Est (3/6), d’Europe de l’Est (2/5) et d’Afrique de l’Ouest (2/8). Au niveau général de l’enquête, ce sont finalement 30% des IMF qui précisent être de nouveau limitées dans leurs activités, malgré une reprise progressive.

2. Les clients restent donc exposés

Comme en témoignent les IMF à travers ces enquêtes, le contexte incertain et particulièrement instable pèse également sur les clients des IMF. Et logiquement, la difficulté à collecter les remboursements pour les IMF par exemple, est intimement liée aux difficultés que rencontrent les clients eux-mêmes. L’activité d’une grande partie d’entre eux n’a toujours pas redémarré ou reste ralentie par le contexte de crise : notre dernière enquête faisait notamment ressortir les secteurs du tourisme et du commerce comme étant les plus affectés (4). A décembre 2020, la proportion

des IMF indiquant que plus de 90% de leurs clients ont repris leur activité reste minoritaire (23%, 17 IMF). Toutefois, 46% (34 IMF) des IMF indiquent que les clients ayant repris leur activité représentent entre 70% et 90% de leur portefeuille. Et seulement 11% (8 IMF) des sondés indiquent que moins de 50% de leurs clients peuvent de nouveau travailler. Notons néanmoins quelques disparités régionales dans ces résultats : en Asie du Sud, Europe et Asie Centrale, et Afrique subsaharienne, au moins 80% des sondés indiquent que plus de 70% des clients ont repris leur activité. Dans les régions MENA et Amérique Latine et Caraïbes, cette part se réduit à 43% et 41% respectivement.

Les réponses de nos partenaires permettent également de continuer à dresser le profil des clients les plus impactés par la crise. Tout d’abord, il faut noter qu’une grande partie des IMF interrogées excluent la possibilité qu’il y ait une catégorie de clients plus affectée que les autres, que ce soit au niveau du genre, de la localisation (urbain ou rural) ou de l’âge. Dans le détail, 42% (31 IMF) des sondés estiment que tous leurs clients sont impactés identiquement, et 51% (38 IMF) indiquent qu’il n’y a pas de différence notable au niveau des remboursements en fonction de ces critères. De manière générale, l’idée qu’il y ait une différence d’exposition à l’impact de la crise en fonction de l’âge est également écartée. Et si certaines IMF disent voir des différences en fonction des catégories d’âge (-30 ans, 30-50 ans, 50+ ans), aucune d’entre-elles ne se démarque.

Parmi les IMF qui perçoivent une différence dans l’impact de la crise sur leurs clients (36 IMF), un critère ressort majoritairement : 76% (27 IMF) estiment que les populations les plus impactées sont les populations urbaines. La même proportion affirme que cette différence se ressent sur les remboursements de prêts. Ces réponses confirment les précédents résultats que nous obtenions concernant les secteurs les plus affectés, décidément urbains. Le fait que le critère de ruralité ne soit que peu mentionné va dans le même sens, et fait écho au secteur de l’agriculture, révélé au fil des enquêtes par nos partenaires comme secteur moins touché par la crise liée à la Covid-19 que les autres, et vers lequel un certain nombre d’IMF imaginaient vouloir s’orienter. Enfin, une dernière caractéristique est mentionnée par les IMF notant des disparités dans l’impact de la crise : 36% (13 IMF) perçoivent que les femmes sont plus touchées que les hommes et donc par défaut pourraient avoir plus de difficultés à rembourser leurs emprunts. Notons qu’une partie des répondants ne servent que des clientes, qui font logiquement d’elles la population la plus affectée dans le secteur.

3. Des défis désormais bien connus des IMF

Des niveaux d’activités toujours en berne ou des mesures d’endiguement de la COVID-19 mis en place par les autorités locales sont désormais des éléments connus par les IMF. Et face auxquels elles s’adaptent. Ainsi, les difficultés financières mentionnées par les IMF sont très stables d’octobre à décembre 2020, ne font pas ressortir de nouvelles tendances. Deux des quatre difficultés les plus citées restent liées à la baisse de la profitabilité des IMF, en raison de la hausse des dépenses de provisionnement (45% des sondés, 33 IMF) et la non perception d’intérêts (55%, 41 IMF). Ces deux points sont intimement liés à la difficulté la plus marquante de la crise pour les IMF en cette période : la hausse du portefeuille à risque (74%, 55 IMF).

A décembre 2020, 74% (55 IMF) des répondants indiquent que plus de 70% des clients remboursent leurs prêts, et 37% constatent un niveau de remboursement des clients au-dessus de 90%. De l’autre côté, seulement 9% soulignent que moins de 50% des clients parviennent à rembourser leurs prêts, ce qui coïncide avec les niveaux de reprise des activités des clients. Ces niveaux se retrouvent dans le niveau de portefeuille à risque des IMF : à décembre 2020, 47% des sondés (35 IMF) indiquent que le PAR 30 a augmenté sans doubler, 16% que celui-ci a doublé et 12% qu’il a plus que doublé.

Néanmoins, cette configuration du risque semble s’être globalement stabilisée au dernier trimestre 2020, en dépit des contraintes additionnelles présentées précédemment (voir Fig. 7). Dans l’échantillon commun aux sondages d’octobre et décembre, nous retrouvons toujours un quart d’IMF qui n’est pas concerné par cette augmentation du portefeuille à risque. Dans le même temps, aucune IMF ne s’ajoute à la liste des IMF dont le PAR 30 a plus que doublé. Les transferts d’une catégorie à une autre sur la période octobre-décembre se font pour la grande majorité entre un PAR stable et un PAR qui augmente sans doubler. Signe donc que les détériorations des contextes locaux présentées précédemment n’affecteraient donc pas l’ensemble des clients, ne se répercutant ainsi que modérément dans les indicateurs de risque des IMF.

Cette stabilité coïncide avec les nouveaux objectifs des IMF en ce début de nouvelle année. La crise a bouleversé leurs opérations, et a inévitablement eu des conséquences sur leurs projections. Ainsi, 58% des IMF affirment avoir mis à jour leur plan d’affaires et leurs objectifs de croissance pour les mois et années à venir. Fortes de ces acquis de crise et d’une meilleure compréhension du contexte, les IMF prévoient toujours, pour une très grande majorité d’entre elles, de continuer à se développer en 2021. Ainsi, 80% des sondés s’attendent à une hausse en volume de leur portefeuille cette année, alors que 15% s’attendent à ce qu’il stagne et 5% envisagent un recul. De plus, cette augmentation du portefeuille devrait également s’accompagner d’une hausse du nombre de clients pour 75% des IMF qui prévoient une croissance en cette nouvelle année. Un nouveau signe d’espoir donc, mais aussi d’ambition de la part d’institutions déterminées à continuer à avancer en 2021.

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(1) Les résultats des quatre premières enquêtes auprès des partenaires de ADA, Inpulse et la Fondation Grameen Agricole sont accessibles ici : //www.gca-foundation.org/observatoire-covid-19/, //www.ada-microfinance.org/fr/crise-du-covid-19 et //www.in-pulse.coop/news-and-media/
(2) Le nombre d’IMF répondantes par région est le suivant : ASS 19 IMF ; ALC 17 IMF ; EAC 21 IMF, Asie du Sud 10 IMF ; MENA : 7 IMF.
(3) L’échantillon est de 38 IMF : 6 en Asie du Sud, 10 en Europe de l’Est et Asie Centrale, 6 en Amérique Latine et Caraïbes, 1 dans le MENA et 15 en Afrique subsaharienne.
(4) //www.gca-foundation.org/espace-medias/#covid-19-une-reprise-des-imf-progressive-au-rythme-de-celle-de-leurs-clients

Carnet de voyage d’un Banquier Solidaire en Bosnie-Herzégovine

Par Daniel Hoarau, Responsable IT, Crédit Agricole de La Réunion

Lancé par la Fondation Grameen Crédit Agricole et Crédit Agricole S.A. en 2018, Banquiers Solidaires est un programme de volontariat de compétences ouvert à tous les collaborateurs du groupe Crédit Agricole en faveur d’institutions de microfinance et d’entreprises à impact soutenues par la Fondation. Découvrez la tribune de Daniel Hoarau, Banquier Solidaire de Crédit Agricole de La Réunion, parti en 2020 en Bosnie accompagner Partner Microfinance Foundation.

Rêve de découvertes

Il était une fois, un salarié de la Caisse régionale de la Réunion qui rêvait de s’engager sur un projet solidaire et partir à la découverte d’autres cultures et d’autres entreprises. Une collaboratrice, amie, lui souffla l’existence de la Fondation Grameen Crédit Agricole et de son programme Banquiers Solidaires. C’est le début de mon histoire de Banquier Solidaire. J’ai postulé et été sélectionné pour soutenir Partner MKF, institution de microfinance en Bosnie, dans la structuration de son système informatique.

Partner est une structure de microcrédit locale qui offre de produits et services bancaires aux personnes exclues du système bancaire traditionnel. Aujourd’hui, Partner sert plus de 40 mille clients, dont 46% sont des femmes et 86% habitent en zone rurale. C’est une organisation financée par la Fondation Grameen Crédit Agricole depuis 2019.

La préparation de la mission a été marquée par des échanges réguliers avec les équipes de Partner et de la Fondation. J’ai pu également étudier plusieurs documents et évaluer l’infrastructure IT existante ainsi que les premières pistes d’évolution envisagées par l’institution. J’étais prêt pour ma mission sur le terrain.

Départ pour la Bosnie

Le départ s’annonce, après plusieurs reports à cause de la Covid-19, grâce à la pugnacité de la Fondation et des équipes logistiques de Crédit Agricole SA. Planification des tests Covid-19 oblige, le plan de vol est établi : Saint-Denis, Paris, Vienne, Sarajevo, Tuzla : un voyage de 24 h, départ le 31/10 par 25°c, arrivée le 1er novembre à Tuzla par 10°c à peine.

Premier contact à l’arrivée : Salih, le chauffeur, ou quand 2 anglophones débutants se rencontrent. Arrivé à bon port, la lumière : Ivana, l’interprète chargée de m’accompagner, grâce à elle tout devient simple et fluide. Elle sera le repère de toute la mission.

Dès le lendemain découverte de Partner : les équipes et l’accueil sont remarquables, tous me mettent en confiance et permettent de briser la glace au propre comme au figuré. La mission est courte, il faut être efficace. Multiples interviews avec les différents responsables des services (système d’information, Ressources humaines, conformité, crédit) sont suivies d’un audit des installations techniques, d’une analyse des besoins des utilisateurs et des premières pistes de cadrage. Au fil des jours, la lumière se fait et les recommandations tombent. La dernière étape est la réunion-bilan avec la Direction de Partner : les analyses sont présentées et le plan d’évolution de la structure informatique est validé.

Les bosniaques ont un rythme de travail très différents : démarrage à 8h, pause petit-déjeuner à 10h, pas de pause déjeuner entre 12h et 14h et fin du travail à 17h. Cela laisse l’opportunité de nombreux moments conviviaux organisés par Partner. Des dîners, des moments de découverte de la culture et des coutumes bosniennes et même l’ascension d’une montagne locale ont donné encore plus de couleur à ma mission !

Retour à l’Ile de la Réunion

Après une autre aventure de 24h pour le vol de retour, je suis arrivé à La Réunion. J’ai finalisé mon rapport de 34 pages qui vise à éclairer les choix de Partner pour le cadrage de son système et sa infrastructure IT.

Je reviens merveilleusement enrichi de cette expérience auprès d’équipes engagées dans les valeurs de leur entreprise : Responsabilité, Equité et Honnêteté. Des valeurs partagées par Crédit Agricole de la Réunion, Crédit Agricole SA et la Fondation qui ont rendu possible cette aventure.

« Si tu veux construire un bateau, ne commence pas par rassembler du bois, couper des planches et distribuer du travail, mais réveille au sein des hommes le désir de la mer grande et large », Antoine de Saint-Exupéry.

Mes remerciements à toutes les personnes de ma caisse régionale de Crédit Agricole de la Réunion qui ont contribuées à rendre cette mission possible ; à Jasmin Smigalovic, Selma Jahic et à toutes les équipes de Partner, sans oublier Ivana Bilić l’interprète, pour leur accueil ; à Caroline Brand et Carolina Viguet de la Fondation Grameen Crédit Agricole pour l’accompagnement dans la mission ; et à Aurélie Cacciotti de Crédit Agricole SA pour l’appui logistique.