La Fondation Grameen Crédit Agricole promeut, depuis treize ans, l’inclusion financière et l’entrepreneuriat social et continue d’agir en priorité en faveur du développement du milieu rural et des femmes entrepreneurs. Fin 2021, la Fondation cumule près de 300 millions d’euros de financements, 379 missions d’assistance technique en cours ou réalisées et 136 organisations financées.
Nous sommes heureux de partager avec vous cette seconde édition de nos prises de parole. Elles parlent de notre accompagnement au quotidien au service des entrepreneurs, des communautés rurales, des réfugiés, des agriculteurs. Permettre aux réfugiés du camp Nakivale d’accéder au crédit en Ouganda, moderniser les pratiques agricoles en Moldavie, financer l’accès à l’eau et assurer la paie des éleveurs au Sénégal, ce sont quelques illustrations qui sont évoquées dans cette seconde édition.
Ces prises de paroles démontrent la résilience du secteur de la microfinance, cette capacité à faire face au contexte sanitaire, aux difficultés économiques et aux effets du réchauffement climatique. La résilience désigne aussi l’aptitude à transformer les obstacles en opportunités pour se renforcer. La transformation numérique, la coordination entre les acteurs et l’innovation dont ont fait preuve nos partenaires tout au long de ces derniers mois difficiles le démontrent clairement.
En 2021, la Fondation Grameen Crédit Agricole a soutenu 81 institutions de microfinance et entreprises sociales dans 37 pays. Dans un contexte de crise Covid-19, la Fondation a accompagné ses partenaires avec des financements et de l’assistance technique. Coup de projecteur sur l’interview d’Eric Campos, Délégué général de la Fondation et Directeur RSE de Crédit Agricole SA.
Comment avez-vous accompagné les institutions de microfinance ?
Contrairement à ce que nous pensions, toute l’année 2021 a été marquée par la crise du Covid et les effets économiques, et les mesures prises par les états pour protéger les populations. La Fondation est donc intervenue de trois façons auprès des partenaires. D’abord nous avons conservé un volume de financement assez élevé, avec 45 millions d’Euros prêtés aux institutions de microfinance. Nous avons également accordé des reports d’échéances, pour donner de l’air aux institutions, leur permettre de faire face à leurs propres reports d’échéances qu’elles accordaient à leurs bénéficiaires. Et enfin, nous avons accru notre capacité, notre coordination en matière d’assistance technique puisque, et c’est un record, nous avons coordonnée 130 missions d’assistance technique, principalement pour accompagner les institutions en matière de risques, de risques de contrepartie, de renforcement de leur équipe risque, de leur organisation, et aussi en termes de management de leur trésorerie.
Comment le secteur de la microfinance se porte à la fin 2021 ?
2020 a été une année Covid et les institutions ont fait face, ont su faire face à cette crise systémique. 2021 a été plus rude. Elles avaient été un peu épuisées par cette première année 2020 et elles ont dû poursuivre leurs efforts, leur résistance. Et donc, effectivement, la Fondation a pu accompagner ces institutions mais on a vu apparaitre quelques cas difficiles pour lesquels, non seulement il a fallu accorder des reports mais aussi des restructurations.
C’est important de dire que l’ensemble du secteur de la microfinance, les fondations, les fonds d’investissement, ont su se parler pour accompagner au mieux les institutions qui connaissaient les difficultés les plus importantes. Le secteur est encore résilient. C’est un secteur qui est attractif. On peut dire qu’il a fait face à cette crise systémique avec une résilience qui a été probablement au-dessus même de ce que nous pensions.
Quel est l’agenda de la Fondation en 2022 ?
2022 va être l’année de préparation de notre plan à moyen terme, 2022-2025. Il va s’articuler autour de cette crise climatique qui frappe durement les territoires d’intervention de la Fondation.
Mieux accompagner les populations rurales, renforcer leur résilience économique, au lendemain d’une crise économique extrêmement grave ; ce sera le premier axe sur lequel nous allons travailler. Et le second c’est l’accompagnement des populations les plus vulnérables, celles qui ont, elles aussi, souffert de cette crise économique et qui ont besoin que l’on puisse les accompagner dans l’accès aux financements, dans le développement d’activités génératrices de revenus. Ce seront les deux axes de notre plan à moyen terme 2022-2025.
De petits entrepreneurs du continent Africain vont bénéficier d’un partenariat de 10 millions d’euros entre la Banque européenne d’investissement et la Fondation Grameen Crédit Agricole
Coopération continue visant à renforcer l’accès à la microfinance des entrepreneurs ruraux défavorisés qui ont été touchés par la pandémie de COVID-19
Programme visant à soutenir les institutions de microfinance dans différents pays d’Afrique, en mettant l’accent sur l’égalité des sexes
Le secteur privé africain bénéficiera d’un financement en devise locale et du soutien aux petites institutions de microfinance
L’accès au financement des entrepreneurs et des entreprises touchés par la COVID-19 dans les régions rurales des pays subsahariens sera renforcé par une nouvelle initiative de financement ciblée de 10 millions d’euros lancée par la Banque européenne d’investissement (BEI) et la Fondation Grameen Crédit Agricole en amont du premier sommet UE-Afrique tenu depuis la pandémie.
Cette toute dernière coopération entre la Banque européenne d’investissement, la plus grande banque publique internationale au monde, et la Fondation Grameen Crédit Agricole, l’un des principaux bailleurs de fonds en microfinance dans toute l’Afrique, s’attachera à veiller à ce que les petites entreprises puissent accéder au financement, créer des emplois et lutter contre la pauvreté.
« Il est essentiel de s’assurer que les entrepreneurs et les communautés d’Afrique puissent accéder au financement afin de générer de nouvelles opportunités, d’accélérer l’inclusion sociale et de renforcer la résilience économique face aux défis engendrés par la pandémie de COVID-19. La BEI s’est engagée à soutenir la microfinance dans toute l’Afrique et nous sommes heureux de renforcer la coopération de longue date avec la Fondation Grameen Crédit Agricole. L’engagement de 10 millions d’euros lancé aujourd’hui profitera directement à de petites entreprises sur le continent », a déclaré Ambroise Fayolle, Vice-président de la Banque européenne d’investissement.
« Il est fondamental de procurer des financements ciblés dans les régions fragiles pour lutter contre la pauvreté, prévenir l’exclusion sociale et générer de nouvelles opportunités qui stimulent la croissance économique. Cette nouvelle coopération entre la BEI et notre Fondation renforcera l’accès des entrepreneurs au financement dans les secteurs touchés par la COVID et dans les communautés isolées et rurales », a déclaré Éric Campos, Directeur général de la Fondation Grameen Crédit Agricole.
Le nouveau partenariat panafricain en faveur de la microfinance a été officiellement convenu à Bruxelles en début de journée en amont du sommet UE-Afrique lors du Forum des affaires UE-Afrique.
Améliorer l’accès du secteur privé au financement dans les communautés défavorisées
La nouvelle coopération entre la BEI et la Fondation Grameen Crédit Agricole contribuera à renforcer l’activité de microfinance dans toute l’Afrique en fournissant des financements à long terme et en devise locale aux institutions de microfinance locales.
L’investissement devrait financer plus de 147 000 prêts destinés à des travailleurs indépendants et micro-entreprises, tout en maintenant jusqu’à 36 000 emplois. Compte tenu de l’importance de l’autonomisation des femmes et des filles dans toute l’Afrique, le programme permettra de financer environ 98 000 prêts destinés à des femmes entrepreneures.
Relever les défis qui freinent la microfinance en Afrique
Cette nouvelle initiative soutiendra des institutions de microfinance plus petites que celles que la BEI peut directement financer. Ces partenaires de microfinance sont souvent incapables de bénéficier du financement des banques commerciales locales et ne peuvent se développer.
Cette initiative contribuera à l’inclusion financière et sociale et devrait soutenir les entrepreneurs des régions reculées, les micro-entreprises gérées par des femmes et les jeunes qui ont un accès limité ou inexistant aux services financiers. Ces segments vulnérables et mal desservis sont également les plus touchés par la pandémie de COVID-19.
Soutenir les régions fragiles en Afrique
La Fondation Grameen Crédit Agricole pourra allouer le prêt aux nombreuses institutions de microfinance d’Afrique subsaharienne. Le réseau d’institutions de microfinance partenaires couvre seize pays de la région, dont des pays fragiles comme le Bénin, le Togo, le Niger et le Malawi.
S’appuyer sur une coopération de longue date entre les partenaires de la microfinance
La Banque européenne d’investissement et la Fondation Grameen Crédit Agricole coopèrent depuis 2018 pour renforcer la microfinance en Afrique et s’efforcent d’améliorer les bonnes pratiques en matière de microfinance et d’aider les entrepreneurs à améliorer leurs compétences professionnelles grâce à des projets d’assistance technique.
La Banque européenne d’investissement est la plus grande banque publique internationale et a consacré plus de 8 milliards d’euros à de nouveaux investissements en Afrique depuis le début de la pandémie.
La Banque européenne d’investissement (BEI) est l’institution de prêt à long terme de l’Union européenne détenue par ses États membres. Elle met à disposition des financements à long terme destinés à des investissements sains afin de contribuer à la réalisation des objectifs politiques de l’UE.
Créée en 2008 à l’initiative conjointe du Crédit Agricole et du Prix Nobel de la Paix le professeur Muhammad Yunus, la Fondation Grameen Crédit Agricole finance et soutient avec de l’assistance technique des institutions de microfinance et des entreprises sociales dans près de 40 pays.
Depuis le début de la pandémie, la Fondation Grameen Crédit Agricole suit l’évolution de la crise sanitaire dans ses pays d’intervention afin de mieux comprendre ses effets sur les institutions de microfinance soutenues et leurs clients. Après Covid-19 : l’impact de la crise sur la microfinance, cette nouvelle publication compile les données et les analyses de certains pays où la Fondation intervient.
La Fondation a fait le choix d’analyser des outils de mesure accessibles, quantitatifs et qualitatifs. Les indicateurs quantitatifs se centrent notamment sur le nombre de cas Covid et le nombre de décès, qui sont analysés en moyenne sur 7 jours et en proportion sur 1 million d’habitants afin d’avoir de données comparatives. Le pourcentage d’habitants entièrement vaccinés est aussi pris en compte pour évaluer l’efficacité de la campagne vaccinale dans le pays. Les outils de mesure qualitatifs reposent sur les actions du gouvernement en réponse à la crise, l’impact de la pandémie sur l’économie et la cartographie sanitaire (pays rouge, orange ou vert) développé par la France.
Les sources proviennent exclusivement d’entités compétentes telles que le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, le Fonds monétaire international, le Ministère Français des Affaires étrangères, le Ministère de la Santé publique, l’Organisation de la coopération et du développement économiques, la Banque Mondiale et l’Organisation Mondiale de la Santé.
Avec cette publication, destinée aux décideurs publics, financeurs, opérateurs et institutions de microfinance, nous espérons contribuer à la compréhension des effets de la Covid-19 sur le secteur de la microfinance pour mieux se préparer, innover et répondre à la crise.
ADA, Inpulse et la Fondation Grameen Crédit Agricole se sont associés en 2020 pour suivre et analyser les effets de la crise Covid-19 sur leurs institutions de microfinance (IMF) partenaires dans le monde. Ce suivi a été réalisé périodiquement en 2020 et 2021 afin d’avoir une meilleure vision de l’évolution de la crise à l’international. Les conclusions exposées dans cet article font suite à la dernière étude menée en novembre 2021. Avec cette analyse régulière, nous espérons contribuer, à notre niveau, à la construction de stratégies et de solutions adaptées aux besoins de nos partenaires, ainsi qu’à la diffusion et à l’échange d’informations entre les différents acteurs du secteur.
Les résultats présentés proviennent de la 8e enquête de la série commune (1) à ADA, Inpulse et la Fondation Grameen Crédit Agricole. Les 70 institutions qui ont répondu sont situées dans 39 pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale (EAC-24%), d’Afrique subsaharienne (ASS-38%), d’Amérique latine et Caraïbes ( ALC-20%), d’Asie du Sud et du Sud-Est (ASSE-9%) et du Moyen-Orient et Afrique du Nord (MOAN-9%) (2) .
1. Malgré la reprise des opérations, la croissance est limitée par une faible demande
Au cours du 2e semestre 2021, le contexte Covid-19 s’est largement amélioré pour nos institutions de microfinance partenaires. En effet, en novembre 2021, 64% d’entre elles indiquent que les mesures d’endiguement de l’épidémie dans leurs pays s’étaient allégées par rapport à celles connues dans l’été et 70% des répondants (49 IMF) ne rencontrent plus de contraintes liées à la Covid-19 dans leurs activités.
Les IMF d’Europe de l’Est (Bulgarie, Lituanie, Moldavie et Roumanie) ressortent comme une exception à cette dynamique puisqu’une partie d’entre elles (7 IMF sur 13 dans cette sous-région) témoignent d’un contexte durci lors de cette période, en lien avec le regain épidémique dans la région au dernier trimestre. Cela se matérialise notamment par des difficultés à rencontrer les clients sur le terrain ou en agence et donc à mener les activités de manière générale (collecte et déboursement de prêts).
C’est dans ce contexte changeant que les IMF opèrent depuis près de deux ans désormais. Bien que la tendance soit à l’amélioration des conditions, les performances opérationnelles restent inférieures aux prévisions au fur et à mesure des enquêtes : 53% des sondés (37 IMF) indiquent ne pas avoir atteint leurs objectifs de déboursements depuis le début de l’année. Ce phénomène se retrouve globalement dans chaque région, à l’exception de la zone ALC (dont la plupart des partenaires sont situés en Amérique Centrale).
Les faibles niveaux de décaissements sont liés avant tout aux difficultés que connaissent les clients des IMF. Parmi les IMF qui n’ont pas les niveaux de croissance attendus cette année, les deux raisons les plus avancées (respectivement 54% et 49%) sont le profil de risque détérioré de la clientèle et la réticence des clients à prendre de nouveaux prêts. Cette justification se confirme d’ailleurs par le fait que 53% des répondants ont encore un portefeuille à risque plus élevé qu’avant la crise. Cette augmentation du risque persistante et la situation d’une partie des clients des IMF dont les besoins sont faibles, voire inexistants, limite donc les possibilités de développement des IMF.
2. La digitalisation reste la grande priorité des institutions de microfinance
Malgré une reprise économique à la fois progressive et contrastée, la proactivité des IMF pour s’adapter aux enjeux ponctuels et futurs continue de se vérifier au fil des mois. Dès le début de la crise, nous avions remarqué que la crise avait nourri la réflexion autour de sujets stratégiques. En fin d’année 2021, 47% des IMF confirment que les pistes importantes de travail pour les années à venir ont émergé avec la crise. Surtout, les thématiques les plus mentionnées au début de la pandémie (développement de produits pour l’agriculture, adaptation de l’offre, digitalisation) sont toujours au cœur des orientations que devraient prendre les institutions partenaires.
La mise en place de solutions digitales (internes et externes) ressort comme l’axe de développement principal. La digitalisation est en effet incontournable pour pallier les difficultés de contact direct avec les emprunteurs, sujet mis en exergue dès le début de la pandémie. Nous notons d’ailleurs que l’attrait pour le digital se retrouve dans toutes les régions mais qu’il est plus ou moins prononcé en fonction de la taille des IMF : 69% (9 IMF) des institutions de Tiers 1 (3) pensent lancer des nouveaux produits et service digitaux alors que cela ne concerne que 47% (15 IMF) des Tiers 2 et 24% (5 IMF) des Tiers 3.
Les autres axes stratégiques mentionnés le sont dans une moindre mesure. Cependant, 30% des répondants prévoient de s’orienter davantage vers le secteur de l’agriculture. Les réponses à ce sujet ne font pas ressortir de corrélation marquée que ce soit en termes de taille des IMF ou de localisation ; seule la région ASSE montre un intérêt particulier (67%). Cette piste fait écho aux témoignages que nous avions récoltés il y a un an et demi : ce secteur était alors apparu comme l’un des moins touchés par la crise de la Covid-19. Cette intention de plus investir dans le secteur agricole est particulièrement positive tant ce secteur représente à la fois un enjeu économique, social et environnemental pour les années à venir.
Enfin, un autre point saillant parmi les réponses de nos partenaires est la formation et la sensibilisation des clients sur différentes thématiques : l’usage des solutions digitales (27%), l’éducation financière (27%), la santé (11%) ou la protection de l’environnement (11%). Si ces sujets sont moins plébiscités, ils sont en lien avec les axes de développement des IMF mentionnés ci-dessus et mettent en avant la nécessité d’accompagner les clients pour qu’ils s’adaptent à ces changements.
3. La capacité de mise en œuvre de ces stratégies varie en fonction de la taille des IMF
Nous notons que 76% des IMF ont déjà démarré la mise en place de mesures en lien avec ces axes stratégiques et 16% prévoit de lancer des actions dans ce sens dans les mois à venir. Ainsi, seul 7% de l’échantillon présente des perspectives moins évidentes sur ce point. Un certain décalage dans la mise en place de ces mesures émerge toutefois en fonction de la taille des institutions : les IMF de Tiers 1 ont pour la très vaste majorité (93%) déjà mis en place de telles mesures alors que cette proportion baisse à 77% pour les Tiers 2 et 64% pour les IMF de Tiers 3.
Ces différences par taille d’IMF (que nous constations déjà dans des travaux de 2020 sur les conséquences directes de la crise sur les IMF (4)) se retrouvent aussi sur le niveau du soutien attendu de la part des parties prenantes externes (investisseurs, donateurs, etc.). Alors que l’assistance technique (69% des réponses) et le financement dédié (66%) sont les deux composantes qui ressortent le plus pour avancer sur ces thématiques, elles sont bien plus sollicitées par les IMF de Tiers 2 et 3. De même, les IMF de la zone EAC sont les seuls à marquer une certaine indépendance à ce sujet, un tiers des répondants de la zone ne soulignant aucun besoin de soutien.
Les IMF de plus grande taille paraissent donc plus armées et autonomes après la crise pour relever leurs prochains défis, comme elles le furent au pic de la crise. En parallèle, même si c’est dans une moindre mesure, une partie de celles de plus petite taille confirme également des orientations fortes pour les années à venir. Malgré des moyens moins importants, elles n’en sont donc toutefois pas moins ambitieuses.
ADA, Inpulse et la Fondation Grameen Crédit Agricole se sont associés en 2020 pour suivre et analyser les effets de la crise liée à la Covid-19 sur leurs institutions de microfinance partenaires dans le monde. Ce suivi a été réalisé périodiquement tout au long de l’année 2020 afin d’avoir une meilleure vision de l’évolution de la crise à l’international. Nous prolongeons ces travaux cette année, à un rythme trimestriel. Les conclusions exposées dans cet article font suite au deuxième trimestre 2021. Avec cette analyse régulière, nous espérons contribuer, à notre niveau, à la construction de stratégies et de solutions adaptées aux besoins de nos partenaires, ainsi qu’à la diffusion et à l’échange d’informations entre les différents acteurs du secteur.
En résumé
Les résultats présentés dans les pages suivantes proviennent de la septième enquête de la série commune[1] à ADA, Inpulse et la Fondation Grameen Crédit Agricole. Les réponses de nos institutions de microfinance (IMF) partenaires ont été rassemblées lors de la deuxième quinzaine de juillet 2021. Les 78 institutions qui ont répondu sont situées dans 40 pays d’Afrique subsaharienne (SSA-32%), d’Amérique latine et Caraïbes (LAC-30%), d’Europe de l’Est et d’Asie centrale (EAC-22%), , du Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA-9%) et d’Asie du Sud et du Sud-Est (SSEA-6%)[2].
La tendance générale assez positive cache malgré tout des réalités très contrastées entre institutions qui repartent en croissance (les plus nombreuses), et d’autres continuant à rencontrer des conditions économiques difficiles. Le premier groupe affiche une croissance de leurs encours et des projections de développement en tendance positive pour la fin d’année 2021. Ces perspectives restent néanmoins mesurées (majoritairement entre 0 et 10% de croissance de portefeuille) puisque certains facteurs comme la demande des clients ou la gestion du risque se répercutent toujours sur les possibilités d’expansion.
En revanche, quelques institutions se heurtent à des difficultés propres à des contextes sanitaires dont les effets pèsent sur la vie économique et se répercutent très fortement sur les volumes d’opérations. Partant, la rentabilité de leurs performances financières s’en trouve affectée au point de se matérialiser négativement, pour les plus fragiles, sur leurs fonds propres.
Un contexte opérationnel qui continue globalement à s’améliorer
La réduction des contraintes opérationnelles et la reprise graduelle des activités se confirment à nouveau dans cette dernière enquête. Bien sûr, cette tendance cache quelques disparités moins bien orientées en raison des mesures prises pour lutter contre la propagation du virus. Début juillet 2021, 47% des institutions interrogées déclarent ne plus rencontrer de contraintes opérationnelles au quotidien (figure 1). Egalement, toutes les contraintes liées au déplacement dans le pays et à la rencontre des clients ne concernent pas plus de 20% des sondés.
Cela se reflète de fait dans le niveau d’activité des institutions : 72% des IMF ont soit repris un rythme semblable à celui d’avant la crise, soit connaissent une reprise progressive sans interruption majeure (figure 2). Ce phénomène est particulièrement visible dans la région ECA où le niveau d’activité n’a pas baissé pour la quasi-totalité des institutions. Dans les régions LAC et SSA, une majorité d’organisations est dans la même situation (respectivement 63% et 68%). Dans ces régions, les difficultés se font particulièrement ressentir en Afrique de l’Est, au Panama et au Honduras. Enfin, pour les IMF de la région MENA, la tendance est à la reprise tandis que celles situées en SSEA font largement face à de nouvelles difficultés (Cambodge, Laos, Myanmar, Sri Lanka).
Une partie des institutions de microfinance a retrouvé la croissance
C’est dans ce contexte que les IMF continuent de débourser des prêts à leurs clients. Alors que la hausse du portefeuille à risque (PAR) et la réduction du portefeuille de crédits ont été les conséquences financières majeures de la crise en 2020, seules 36% des IMF sondées en juillet indiquent encore constater le recul de leur encours de prêt (figure 5).
Cette analyse positive dissimule néanmoins un processus lent, comme montré par les réponses de nos partenaires concernant l’atteinte ou non de leurs objectifs de déboursements au Q2 2021. Plus de la moitié (53%) indique ne pas avoir atteint ses objectifs de déboursements sur cette période, un chiffre relativement proche de celui obtenu au premier trimestre. Ce résultat n’est d’ailleurs pas totalement corrélé avec le niveau des opérations d’une organisation : plus de la moitié des IMF dans les régions LAC et SSA font état d’objectifs non-remplis malgré un environnement opérationnel favorable. Notons que trois raisons majeures sont citées par les IMF qui n’ont pas atteint leurs objectifs de croissance lors de ce trimestre : la baisse des montants demandés par les clients (45% d’entre elles), la réticence des clients à s’engager pour de nouveaux prêts (43%) et la gestion du risque en se concentrant seulement sur les clients existants (38%). Ainsi, les IMF de la région EAC font figures d’exception avec des excellentes performances au Q2 2021.
Même si ces indicateurs montrent un rythme de développement inconstant, l’année 2021 devrait cependant bien se terminer sur une croissance de l’encours de crédits pour la vaste majorité des IMF. En effet, 86% des institutions interrogées prévoient d’avoir un encours supérieur à celui de décembre 2020 à la fin de l’année 2021. Cette croissance sera d’ailleurs raisonnable pour une grande partie d’entre elles : 44% des répondants prévoient une croissance entre 0 et 10% du portefeuille, en particulier dans les régions MENA et LAC. Pour un peu plus d’un tiers des IMF (36%), elle sera entre 10 et 30%. Les projections sont partagées entre ces deux estimations dans les trois autres régions analysées. Notons enfin qu’une proportion de 10 à 20% des IMF dans chaque zone prévoit une réduction de leur encours.
Bien que toujours présent, le risque de crédit demeure maitrisé
Malgré ces indices rassurants concernant la croissance du portefeuille, les IMF doivent toujours gérer un risque de crédit élevé, vestige pour l’instant persistant de la crise. En effet,58% des sondés au Q2 2021 témoignent du fait que leur portefeuille à risque actuel reste supérieur à celui de début 2020. Si certaines institutions ont toujours un moratoire actif (seulement 5%), les prêts des clients en difficultés au début de la crise apparaissent désormais dans le PAR, en tant que prêt restructuré ou en retard de paiement. A cela s’ajoutent les clients en retard de paiement qui n’ont pas eu de moratoire. L’ensemble de ces prêts fait l’objet d’un provisionnement pour couvrir le risque avéré de défaut. Dès lors, nous retrouvons la baisse de la profitabilité comme une autre conséquence financière majeure de la crise, alimentée par la forte hausse des dépenses de provisionnement et la réduction de l’encours.
Dans le détail, il apparait que 59% de nos partenaires ont augmenté leur niveau de provisionnements par rapport à l’avant crise (figure 6). Pour la plus grande partie d’entre eux (71% de ces 59%), la hausse se situe entre 0 et 25% du montant habituel, situation que l’on retrouve dans chaque zone exceptée la région SSEA. A l’inverse, il existe un groupe d’IMF (40%) ne constatant plus de hausse majeure du risque de crédit et dont les dépenses de provisionnement sont similaires au passé, voire à la baisse. Dans cette optique, la zone ECA se démarque à nouveau puisque c’est le cas pour près de 60% des organisations sondées de la région.
Néanmoins, comme nous le remarquions lors de nos récentes études, cela ne s’est pas encore matérialisé par une très forte hausse de la radiation de prêts. Ala fin du deuxième trimestre 2021, 59% des répondants indiquaient en effet que les niveaux de prêts radiés pour l’année était soit en baisse par rapport aux années précédentes, soit au même niveau. Néanmoins, 13% des IMF ont dû radier au moins le double de ce qu’elles avaient connu avant la crise.
Des fonds propres jusqu’ici majoritairement épargnés
La profitabilité des institutions de microfinance se retrouve affectée par le retour des activités, la variation de l’encours de crédit et la couverture du risque (facteurs présentés dans les paragraphes ci-dessus). Pour 51% de nos partenaires, la tendance est à la baisse (figure 5). Cependant, les informations récoltées à fin juin 2021 sont rassurantes : 80% des sondés ont un niveau de profitabilité au moins à l’équilibre, ce qui n’a donc pas de conséquences sur le capital de leur structure (figure 7). Dans le même sens, malgré un résultat négatif, 11% des sondés ne sentent pas de pression au niveau de leurs fonds propres. La situation est néanmoins plus critique pour 8% des partenaires interrogés, dont le niveau de capitalisation se retrouve en danger, entrainant un potentiel bris de covenant avec leurs bailleurs ou le régulateur.
Face aux difficultés de certains clients, qui doivent faire face à de nouvelles vagues de complications liées à la pandémie de Covid-19 ou à d’autres facteurs, de potentielles pertes pourraient atteindre la solvabilité d’institutions de microfinance. Certaines nécessitent déjà l’intervention de leurs actionnaires ou investisseurs. Nous apprenions dans notre dernière étude que le type d’actionnaires vers lesquels les institutions souhaitent s’orienter dépend de la raison pour laquelle cet appui est nécessaire (couvrir des pertes ou bien, croître). Il ressort de cette enquête que la question se pose déjà pour 20% des sondés : des besoins peuvent apparaitre malgré un soutien récent au niveau du capital, mais certaines IMF sont également sans solution face à ce sujet (10%). Ces cas montrent que l’impact de la crise se manifestera encore sur des institutions déjà durement affectées par cette période inédite, mais aussi sur des IMF moins robustes. La vigilance aux besoins en capital demeure de mise puisque l’impact à long terme du risque de crédit pourrait faire basculer la donne pour d’autres organisations si la situation générale ne s’améliore pas, par exemple avec l’arrivée de nouvelles vagues épidémiques.
La pandémie de Covid-19 a touché toutes les économies en impactant particulièrement les économies fragiles et les populations les plus vulnérables.
La Fondation Grameen Crédit Agricole s’est intéressée aux effets sans précédent de cette crise planétaire sur les institutions de microfinance. Une première enquête a ainsi été lancée en mars 2020 auprès de tous nos partenaires pour comprendre comment ils s’adaptaient aux répercussions de la pandémie qui se faisaient déjà ressentir sur leurs activités. En nous associant dans les mois qui suivirent à deux autres grands acteurs de la finance inclusive, ADA et Inpulse, nous avons étendu la portée de ces études à plus d’une centaine d’institutions présentes sur 4 continents : Afrique, Amérique du Sud, Asie et Europe. Au total, 6 enquêtes ont été menées depuis le questionnaire inaugural du mois de mars.
Vous découvrirez à travers cette publication les résultats de ces études synthétisés sous 3 volets :
S’adapter rapidement aux contraintes opérationnelles
Les enquêtes menées tout au long de l’année 2020 ont révélé trois difficultés majeures : l’impossibilité de rencontrer les clients physiquement, des collectes de remboursements limitées et des contraintes pour décaisser de nouveaux prêts. Pour y remédier, les IMF ont agi de manière proactive et adaptée, traduisant la grande capacité de résilience de ces organisations. Néanmoins, toutes n’ont pas été impactées de la même manière. Ce document retrace ainsi l’évolution de ces contraintes et les mesures mises en place pour y faire face.
Un impact financer significatif et durable
Les contraintes opérationnelles rencontrées ont inévitablement eu des répercussions financières importantes. Parmi elles, deux conséquences majeures ont été visibles chez la quasi-totalité des IMF : une augmentation du portefeuille à risque (PAR) et une réduction de l’encours de crédit. Ces deux phénomènes ont fluctué tout au long de l’année en fonction des contextes locaux et d’autres difficultés financières ont pu apparaitre ponctuellement. L’analyse des indicateurs de performance, détaillée dans ce document, permet de visualiser l’effet durable de la crise.
Perspectives d’avenir
Dans ce contexte, la majeure partie des IMF a résisté et fait preuve d’optimisme. Parmi les axes envisagés pour les prochaines années ressortent un retour à la croissance du portefeuille ainsi que l’ouverture à de nouveaux produits et services, voire à de nouveaux marchés, et ce dès 2021. Vous découvrirez au fil des pages d’autres mesures d’adaptation explorées par les IMF, témoignant d’une volonté qui rassure quant à l’avenir du secteur. Nous devons néanmoins rester vigilants face à l’instabilité du contexte actuel. C’est pourquoi nous maintenons notre démarche de suivi rapproché de la crise auprès de nos partenaires en 2021, à un rythme trimestriel.
Rémy Rioux, Directeur général,
Groupe Agence française de développement
Partenaire historique, l’Agence française de développement (AFD) soutient les activités de la Fondation depuis plus de 10 ans. Son Directeur, Rémy Rioux, nous partage sa vision sur l’impact de la crise économique et sanitaire générée par la pandémie Covid-19 sur le continent africain et son bilan du partenariat avec la Fondation.
—Quels ont été selon vous les points d’impact de la crise sanitaire sur le continent africain et comment l’AFD a agi face à cette crise ? Quels ont été vos principaux axes d’intervention ?
R. R. : L’Afrique a connu en 2020 un choc, dont je rappelle qu’il lui est totalement exogène, sans précédent. Le continent est apparu assez résilient sur le plan sanitaire, moins sur le plan économique. Une récession inédite, de 2,6% en moyenne, a touché plus d’une quarantaine de pays de façon simultanée. Au-delà de l’impact conjoncturel, la crise fait surtout redouter une fragilisation en profondeur des économies et des sociétés.
Le groupe Agence française de développement (AFD) s’est mobilisé très rapidement pour soutenir ses partenaires. Sur le plan sanitaire, avec une initiative Santé en commun d’1,2 milliards d’euros, dont la moitié en Afrique pour une cinquantaine de projets et près de 130 millions d’euros en dons ; et sur le plan économique avec notre programme « Choose Africa » en soutien au tissu entrepreneurial puis son renforcement avec un volet Résilience, portant le programme à 3,2 milliards d’euros engagés d’ici 2022. Enfin, nous soutenons, dans la continuité du Sommet « Finance en Commun », les banques publiques de développement africaines –il en existe une centaine sur le continent– pour en faire des relais de croissance durable.
—Quel bilan faites-vous du partenariat historique avec la Fondation Grameen Crédit Agricole ?
R. R. : Depuis plus de 10 ans, le groupe AFD accorde à la Fondation des garanties de portefeuille et individuelles et finance la Facilité africaine qui nous permet d’accompagner des institutions de petite taille au profit des populations défavorisées, en parti culier en zones rurales. Depuis 2020, la relation partenariale avec la Fondation est assurée par Proparco, notre filiale dédiée au secteur privé. Au-delà du partenariat financier, nous apprécions la qualité de la relation entre nos deux institutions, empreinte de confiance et de transparence. Le caractère primordial du soutien au secteur de la microfinance a été renforcé par la crise Covid-19 et travailler avec la Fondation constitue un levier solide pour renforcer le secteur.
—Une grande institution comme la vôtre et un acteur agile comme la Fondation peuvent-ils encore inventer de nouvelles façons d’agir et dans quels domaines prioritaires ?
R. R. : C’est la complémentarité de nos deux institutions et de leurs modes d’intervention qui font la force du partenariat et sa pertinence au service de plusieurs axes d’intervention prioritaires, à savoir : le soutien au développement de la microassurance, en particulier la microassurance agricole ; l’accompagnement des institutions de microfinance dans l’amélioration de la gestion de la performance sociale ; le développement de l’offre digitale du secteur de la microfinance ; et la microfinance verte. Le contexte de la crise est venu renforcer la pertinence de ces domaines d’intervention.
Par Miren Bengoa, Administratrice, membre du Comité Finance, Risques et Impact,
Fondation Grameen Crédit Agricole &Directrice Action Internationale, Groupe SOS
Administratrice de la Fondation Grameen Crédit Agricole depuis 2020, Miren Bengoa est, depuis janvier 2021, la nouvelle Directrice Action Internationale du Groupe SOS. Elle était à la tête, depuis 2011, de la Fondation CHANEL qui a vocation à soutenir des projets améliorant la situation économique et sociale des femmes. Son regard sur l’impact de la crise Covid-19 sur l’égalité femmes-hommes et les réponses pour y faire face.
— Quel est l’impact de la Covid-19 sur la condition des femmes ?
M. B. : La montée des inégalités entre les femmes et les hommes est l’une des conséquences immédiates de la crise Covid-19. Nous avons constaté au cours de cette pandémie une augmentation des actes de violence envers les femmes et les filles et un recul de l’apprentissage des filles à mesure que les taux d’abandon scolaire et les mariages d’enfants augmentent. Des dizaines de millions de femmes supplémentaires ont sombré dans l’extrême pauvreté, car elles perdent leur emploi à un rythme plus élevé que les hommes, et pâtissent de leurs difficultés à accéder aux nouvelles technologies et de leur manque de compétences numériques.
— En quelques mots, quel est aujourd’hui le panorama des inégalités entre les sexes dans le monde ?
M. B. : Les projections actuelles indiquent que l’égalité femmes-hommes ne sera pas atteinte pendant encore 130 ans. En 2020, les femmes représentaient en moyenne (à l’échelle mondiale) 4,4% des chefs d’entreprise, 16,9% des membres des conseils d’administration, 25% des parlementaires et 13% des négociateurs de paix. Seuls 22 pays ont actuellement à leur tête une femme cheffe d’État ou de gouvernement (UN Women, 2020). Nous avons besoin d’une meilleure représentation des femmes qui reflète les femmes et les filles dans leur diversité et leurs capacités.
— Comment l’entrepreneuriat féminin peut être une réponse à la crise ?
M. B. : Les femmes entrepreneures ont été en première ligne et fortement affectées par la baisse de l’activité économique. Néanmoins, elles sont également porteuses de solutions innovantes et doivent être soutenues au mieux par les financeurs et les pouvoirs publics. Etant fortement impliquées dans la réponse aux besoins communautaires, elles ont pu adapter leurs activités aux contraintes dues à la pandémie. Cela n’a pas été évident : elles ont parfois renoncé à une activité lucrative pour s’occuper en priorité de leurs familles.
— Promouvoir l’autonomisation des femmes est une des missions de la Fondation Grameen Crédit Agricole. Quelles devraient être les priorités pour renforcer cette ambition ?
M. B. : Depuis sa création, promouvoir l’autonomisation des femmes est au cœur de l’action de la Fondation : parmi les 7 millions de clients des institutions de microfinance soutenues, 73% sont des femmes bénéficiaires des microcrédits pour créer ou développer des activités génératrices de revenus. Le maintien des financements, la flexibilité apportée dans le report d’échéances et l’analyse fréquente des besoins de ces institutions sont et seront clés pour leur permettre de retrouver une capacité d’action en faveur de l’entrepreneuriat féminin.
Coup de projecteur sur l’interview croisée de Sylvie Lemmet, Présidente du Comité Finance, Risques et Impact, Jérôme Brunel, Président du Comité Conformité et Contrôle interne, et Bernard Lepot, Président du Comité d’Investissement, à découvrir dans le Rapport intégré 2020 de la Fondation.
En vous remémorant le moment de la survenance de la crise, pouvez-vous nous dire quelle fut à ce moment-là votre perception ?
Bernard Lepot : Dès le mois de mars nous avons tous compris que nous étions en « terra incognita » pour une durée indéterminée avec des conséquences systémiques peu lisibles. Tous les continents étaient touchés dont l’Afrique et l’Asie où nous avons l’essentiel de nos activités. Le risque de fortes difficultés de nos partenaires étaient probables avec possiblement d’importantes provisions pour la Fondation. Malgré cette absence de visibilité, il fallait, pour le Conseil, définir rapidement la posture de la Fondation que nous résumons ainsi : soutien à nos partenaires existants et concertation avec les autres prêteurs internationaux.
Sylvie Lemmet : En mars dernier, nous étions dans l’inconnu total. Avec le sentiment que la crise allait frapper fortement les pays en développement et que nous allions être confrontés à des faillites potentielles et des pertes pour la Fondation. Nous étions inquiets pour nos partenaires.
Jérôme Brunel : Je craignais que l’impact de la pandémie, dont je pensais qu’elle allait affecter plus fortement les pays en voie de développement ou émergents moins développés –ce qui n’a d’ailleurs pas été confirmé–, fragiliserait la solidité des contreparties de la Fondation entraînant un montant substantiel de provisions, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent grâce à la résilience des organisations soutenues ainsi qu’à la coordination et les actions communes des différents acteurs du secteur de la finance inclusive.
Quel a été le rôle du Comité que vous présidez dans ce contexte ?
J.B. : Le Comité de Conformité et de Contrôle interne a joué pleinement son rôle en adaptant le dispositif de contrôle interne à la montée des risques Covid-19, en organisant une formation sur les méthodes de restructuration de dettes, en adaptant la politique de provisionnement et en approfondissant la collecte des informations sur les clients finaux de nos contreparties. Mais à vrai dire, c’est surtout le Comité des Finances, Risques et Impacts qui avait le rôle premier dans la mobilisation de la gouvernance de la Fondation pour faire face aux conséquences de la pandémie.
S.L. : Le Comité Finance, Risque et Impact (FRI) comprend déjà le Président du Comité de Conformité et de Contrôle interne parmi ses membres. L’an dernier, nous avons immédiatement senti le besoin de faire le lien avec le Comité d’Investissement et son Président a aussi siégé dans le Comité FRI. L’évolution de la gouvernance avec ce comité ad hoc s’est révélée extrêmement positive. Cela nous a permis de construire ensemble et avec le Comité de Direction de la Fondation une bonne compréhension de la situation globale (l’impact sur le portefeuille, la liquidité et la marge) et une doctrine d’intervention, que nous avons faite évoluer au fur et à mesure de la crise. L’objectif : fournir l’oxygène nécessaire à nos partenaires tout en « monitorant » le risque de défaut de remboursement.
B.L. : Une fois la feuille de route établie, le Comité d’Investissement a continué à se réunir tous les mois mais en visio-conférence avec une activité de nouveaux dossiers bien sûr réduite mais avec un suivi rapproché des reports d’échéance accordés aux institutions de microfinance qui en faisaient la demande et plus généralement, un suivi du risque renforcé. Le Conseil avait également décidé la création d’une instance ad hoc réunissant les 3 Présidents des Comités spécialisés pour examiner et approfondir les adaptations éventuelles de la stratégie de la Fondation. Cette structure s’est réunie plusieurs fois permettant les échanges avec les équipes et l’éclairage du Conseil avant décisions.
Un an après, quels sont les enseignements que vous tirez de cette expérience et quelles perspectives voyez-vous pour la Fondation en 2021 ?
S.L. : Un an après, je suis avant tout rassurée par la qualité des femmes et des hommes qui forment l’exécutif de la Fondation et qui ont su réagir avec beaucoup de souplesse, de professionnalisme et d’engagement dans une situation inédite. Nous avons su maîtriser les risques financiers sans abandonner nos partenaires en difficulté. Nous avons pu tester la résilience des organisations soutenues, ce qui rassure à la fois sur leur qualité et sur la résistance du secteur de la microfinance face aux chocs. C’est d’ailleurs un point qu’il faudra creuser pour mieux comprendre les mécanismes qui se sont mis en oeuvre localement et l’impact social réel derrière la bonne performance financière. Pour 2021, nous espérons tous le retour d’une situation moins chaotique et la reprise des activités. Il faudra tirer les leçons des instructions à distance et jongler avec une activité qui semble reprendre mais des déplacements qui restent limités. La pandémie n’est pas encore derrière nous, mais j’espère qu’elle restera sous contrôle dans nos pays d’intervention.
J.B. : La crise sanitaire a montré d’abord, la solidité des engagements pris par la Fondation, c’est-à-dire le choix judicieux de ses contreparties. Ensuite, la qualité de la réaction de l’équipe –et de son Délégué général– pour s’adapter à ce contexte inédit, aidée par la mobilisation de son Conseil et de ses Comités spécialisés. Enfin, l’engagement de la Fondation à continuer malgré cet environnement « hostile » l’activité de prêteur et à soutenir les institutions de microfinance par une initiative internationale pour harmoniser les politiques des autres prêteurs et par un travail précis de dialogue avec chacun des emprunteurs.
B.L. : Un an après, il convient de souligner la remarquable mobilisation et adaptation des équipes de la Fondation avec une grande collaboration entre les différentes fonctions. A ce jour, il faut noter aussi la grande résilience de notre portefeuille, peut-être même au-delà de ce que nous pensions. Une bonne information et implication du Conseil lui a permis d’exprimer sans réserve son soutien et sa solidarité à la stratégie et aux actions de la Fondation. Pour 2021 les choses sont toujours très incertaines avec peut-être une meilleure visibilité au 4e trimestre, mais là encore rien n’est sûr. Espérons que 2021 sera une année de transition permettant de reprendre nos activités de développement en 2022.